tell me how's the way to be
tell me how's the way to go
Depuis toujours, Nitesh se préparait - les journées étaient élaborées dès les petites heures du matin pour ne laisser aucunement place au hasard. Structurées, point par point, détaillées ; parce que Nitesh était ainsi : il faisait des places et ne laissait pas vraiment d'endroit pour la spontanéité. Enfin, dans la théorie.
Parce que Nitesh n'était pas rigide - il ne s'enfermait pas dans la routine et dans les plans élaborés. Toujours, le jeune homme acceptait d'en dévier - et parfois, même, ses journées étaient planifiées en laissant la possibilité que tout vienne le chambouler (notamment lors des journées de fin de semaines, où il planifie souvent uniquement d'étudier). Nitesh planifiait - et il aimait savoir ce qu'il allait faire, surtout ce qu'il allait manger ou écouter une fois dans son lit; près à s'endormir, mais comme beaucoup, Nitesh appréciait aussi les surprises, ce qui arrive sans prévenir.
Du moment qu'elles étaient positives.
Comme souvent - et bien malgré lui - Nitesh se trouvait coupable du même crime que tous les autres : celui d'être humain. Et être un paradoxe, c'était bien malheureusement quelque chose de propre à l'humanité - par moments, tout du moins.
Humain dans toutes ses forces et, surtout, dans toutes ses faiblesses - quand son regard doux et apaisant se perdait dans la contemplation de quelques fourmis passants, le faisant soudainement oublier à qui il parlait - quand sa famille lui manquait soudainement, terriblement, aux petites heures du matin et que son regard laissait apercevoir quelques perles salées. Quand ses émotions enfermées, sous clés, décidaient de se rebeller - de se faire sentir. De lui dire qu'elles n'avaient pas disparus.
Nitesh était terriblement humain - malgré certaines apparences (dans toute sa pureté, Nitesh était impur).
La cloche avait sonné pour débarrasser les élèves de la corvée d'écouter l'enseignant déblatérer sur tout - et surtout, sur n'importe quoi; et Nitesh avait pris ses cahiers, les glissant machinalement dans son sac en laissant mourir sur ses lèvres un léger soupir. La routine ici était toujours identique - mais les personnes rencontrées la rendaient, chaque fois, bien unique.
Se lever, manger, s'occuper de Silva, aller en cours, faire ses devoirs et assumer son rôle d'assistant psychologue - toujours répéter les mêmes gestes à chaque levée de soleil, mais les personnes rencontrées changeaient. Les problèmes changeaient - les émotions se modifiaient, les vagues étaient toujours de différentes ampleurs, et d'une violence qui n'était jamais identique.
Dans la routine s'imposait une absence de routine - Nitesh avait toujours observé le quotidien qu'il vivait d'un oeil émerveillé par tant de contradictions, de tant de paradoxe. Il s'était souvent demandé comment ça pouvait être possible, s'amusant parfois même à marquer oxymore par-dessus oxymore sur des bouts de papier en se demandant si un jour; tout allait prendre feu; tout allait posséder du sens.
Nitesh ne se différenciait pas des autres jeunes de son âge - toujours à la quête d'un sens pour l'existence menée. Comprendre pourquoi, comprendre comment - mais surtout, comprendre où il allait, où il irait.
Il avait grandi pour reprendre le flambeau, la tête de l'entreprise familiale, il avait grandi éloigné des problèmes de la pauvreté qui se trouvaient juste sous ses yeux, protégé des horreurs du monde et des crimes des bas-quartiers. Mais Nitesh n'avait jamais été inconscient des drames qui se déroulaient à quelques kilomètres seulement de là où il s'endormait tranquillement, délicatement, dans une chambre respirant la richesse. Terriblement conscient de la chance possédée d'être né au bon endroit - d'avoir tiré le ticket loto chanceux de la vie.
Mais errant dans des couloirs d'une académie particulière; présente pour ceux qui possédaient des pouvoirs parce que le monde entier rejetait la possibilité que cela existe. Cherchant une voie, un échappatoire - un endroit où véritablement exister, se plongeant volontairement dans l'horreur des démons intérieurs, des champs de bataille invisibles, pour essayer de faire une différence - sincèrement aider. Là où il n'avait pas pu en grandissant.
Nitesh avait poussé la porte des toilettes et s'y était engouffré en réfléchissant aux devoirs qui devaient être remis bientôt; puis, il avait cligné des yeux. Puis, il n'avait plus rien compris de ce qui venait de se passer. Un instant, il était d'un côté du miroir et l'autre instant - de l'autre côté. Pour autant, il n'était pas seul. Son regard calme s'était posé sur un autre élève et rapidement, Nitesh put se rappeler de son prénom : Dorian. Ils s'étaient déjà croisés... lors d'une des rares fois où Nitesh n'avait pas respecté le règlement.
« Il faut croire que oui. C'est, euh, perturbant. Ça fait longtemps que t'es là ? » Il avait observé partout autour d'eux en essayant de comprendre comment sortir de là. Mais visiblement - ils étaient complètement coincés.
« C'est Dorian, toi, c'est ça ? Moi c'est Nitesh, si tu veux m'appeler autrement que par le nom de code qu'on s'était donné. » Il avait souri doucement.
« J'imagine qu'il est impossible de briser le miroir ? Errh... quelle idée d'ensorceler un miroir. » Peut-être que Nitesh se sentait légèrement claustrophobe.