Après la crise que t’as tapé y’a deux jours, il te fallait un peu d’air. Simplement parce que ça ne t’étais pas arrivé depuis un bout de temps et que tu n’avais plus l’habitude d’avoir les hormones aussi chamboulées. Un rien te fait trembler, depuis jeudi. Et tu dois te calmer pour éviter que cela ne recommence de plus belle. Alors, aujourd’hui, tu as décidé d’aller faire un tour en ville. Tu n’as pas joué avec Esther les deux derniers jours pour te recentrer sur toi-même et t’isoler un peu, dans ton coin, au calme. Tu avais besoin de marcher, sans destination précise, de respirer. Qui sait, peut-être que tu tomberais sur quelque chose qui allait refaire ta journée ? Ou l’empirer, avec la chance que tu te tapes…

T’as déjà pris le ticket, le train, et maintenant tu ères dans les rues, cherchant un peu d’inspiration pour être un peu plus positive que les jours précédents. Tu marches droit devant, la tête noyée dans les mélodies qui émergeaient de tes écouteurs. Tu ne sors pas sans musique à cause de la peur qui te prend quand tu mets le pied dehors. Une sorte d’agoraphobie, en quelque sorte, due au fait que tu ne sors jamais et que tu es restée enfermée une année complète, à ne presque plus voir la lumière du jour.

Mais tu n’es plus celle que tu étais et tu n’as plus besoin de te retourner en marchant. Parce que personne ne te suit, et tu ne connais personne ici, du moins de ton passé. Personne ne t’a suivi jusqu’ici pour te faire du mal, personne ne te connaît non plus. Tu es en sécurité, où que tu sois, c’est une certitude.

Mais ce n’est peut-être pas le cas pour tout le monde. Tu détournes le regard vers une ruelle sombre qui avait pour habitude d’être complètement déserte. Une énorme bulle se tient là, cette fois. Tu observes la scène alors qu’un homme aux cheveux blancs et verts ouvre une porte menant à l’intérieur de la bulle. Celle-ci se referme derrière lui et ton visage s’illumine par la curiosité, coupé avec un peu d’inquiétude. Sans aucun doute, cette bulle n’était pas naturelle. Swish est présente ici aussi, et quelqu’un, comme toi il y a deux jours, avait besoin d’aide.

Tu t'élances vers la bulle d’un pas héroïque, bien déterminée à aider qui que ce soit avait besoin de ton aide à cet instant. Tu tournes la poignée de la porte et entre sans hésitation. À l’intérieur, une grande plaine et un lac menacés par une tornade. Au beau milieu de ce paysage, une petite fille semblant perturbée ferme les yeux, les cheveux au vent. Tu te protèges du vent de ton bras tout en avançant pas à pas. Si quelqu’un venait à remarquer la bulle, Swish serait découverte et il n’y aurait plus aucun espoir pour revenir à l’académie en vie. Les gens sont des requins, et vous êtes leurs proies. Tu dois sortir cette petite de sa bulle, c’est pour son bien, tu dois la protéger des horreurs de l’extérieur du dôme.

Tu avances, remarquant que le poireau était également présent et ne semblait pas du tout s’inquiéter de la situation de la jeune fille, alors que celle-ci se trouvait juste en face d’une foutue tornade. Tu t’approches de lui, les sourcils froncés. Un petit robot vole à ses côtés et tu ne peux t’empêcher de le trouver mignon - tu veux le même. Il demande à la petite si elle a besoin d’aide. Au moins, le robot est visiblement plus rationnel que son propriétaire. Tu t’adresses au poireau. Au vu de sa réaction, c’est très clairement un Swishou également; de toute façon, sa tête te revient. Un Upper et ses créations loufoques, il n’y en a pas des centaines. Un poireau ambulant, ça s’oublie difficilement.

— Tu fous quoi mec ? Tu vois pas qu’elle a besoin d’aide ? dis-tu d’un ton méprisant.

Tu avances courageusement vers la petite, ignorant totalement la tornade. Tu t’agenouilles devant elle et pose tes mains sur ses bras avant de lui adresser quelques mots de ta voix la plus douce. Tu ressens sa peur à travers les traits de son visage; ton empathie ne ment jamais, tu es bien trop sujette à des pertes de contrôle sur tes émotions que tu ne pourrais jamais te tromper en voyant quelqu’un en détresse. Elle panique.

— Petite ? Tu m’entends ? N’aie pas peur, on est comme toi… Essaie de te calmer, tiens, prends ma main.

Tu lui donnes délicatement la main avant de lui adresser un sourire rassurant, sincère. Tu n’as pas pour habitude d’être douce avec les gens, mais les enfants et les pré-adolescents, c’est autre chose. Tu les comprends, quelque part. Cette multitude de sensations, de sentiments et d’émotions entremêlés sont parfois source de conflits internes et extrêmement difficiles à gérer. Tu le sais, tu es passée par là, et surtout, tu es de nature esclave de tes propres émotions; ton hyperémotivité te permet de mieux comprendre ce genre de situation.

La petite prend ta main d’un air confus et apeuré. Un homme couleur arc-en-ciel apparaît soudainement et t’assures qu’il va s’occuper de la petite, chose que tu ne peux pas concevoir dans l’état actuel de la situation. Si quelqu’un venait à repérer la bulle, c’en était fini de vous tous. Tu n’es pas particulièrement surprise par l’apparition de l’homme arc-en-ciel, tu avais vu des pouvoirs bien plus étranges que celui-ci. Tu gardes ton calme, tentant de raisonner l’homme devant les yeux de la petite, pour lui faire comprendre le danger sans l’effrayer.

— Je ne doute pas que vous êtes sûrement le plus apte à s’occuper d’elle, mais voyez-vous j’ai bien peur que cela ne soit pas suffisant, Monsieur… À l’extérieur, des gens passent, si quelqu’un voit la bulle et entre, la petite sera en grand danger. Il va falloir la ramener à Swish le plus rapidement possible, je suis désolée, c’est pour son bien. ajoutes-tu en souriant quelque peu, histoire d’adoucir davantage tes dires.

Tu replonges ton regard rassurant dans celui de la petite fille. Tu serres légèrement sa main dans la tienne, et continue de la rassurer de ce ton si doux qui sort de tes lèvres. Derrière, l’autre débile fait son grand show mais tu n’y prête pas attention - pour le moment. Tu tentes de la calmer. Petit à petit, la tornade semble se calmer.

— Tu veux rentrer c’est ça ? Ça te dirait que je te ramène, moi ? Tu n’as rien à craindre à mes côtés, et si quelqu’un te veut du mal, je lui brûle les cheveux, tiens regarde.

Tu t’écartes légèrement de la petite dans un sourire, lentement. Tu lèves le doigt en l’air et l’allume comme une bougie. Dans un faible rire, tu lui annonces que tu es comme elle et qu’il n’y a pas à avoir peur; c’est normal, tout ça. Tu peux la protéger et tu le lui fais comprendre : elle n’a pas à avoir peur tant qu’elle est près de toi.

— Alors, t’en dis quoi ? Tu viens avec moi et je te ramène tranquillement à la maison ?

Par maison, tu voulais bien entendu dire académie. Mais c’est aussi votre maison à tous, vous les détenteurs de pouvoirs, et ça, tu l’avais bien compris. Finalement, toi qui est si réservée et craintive vis à vis des autres, tu te sens bien là-bas; tu te sens comprise.

Le poireau fait des siennes et tu tournes la tête dans sa direction avant de lui adresser quelques mots. La petite n’aura sûrement pas l’occasion de les entendre; le fait que tu sois tournée étouffe le son des tes cordes vocales et la tornade - ou le peu qu’il en reste - double l’effet. Tu jettes un regard noir vers le fou furieux.

— TU VAS LA FERMER OUI ! C’est pas le moment de lui demander son nom, ni de faire des blagues, elle a peur là ! Dès qu’on sort, t’es mort j’te jure.

Tu te retournes de nouveau vers la fille, un sourire renaissant sur le visage. Tu es faite pour changer d’émotions, du tout au tout, d’un seul coup, comme ça.

Elle prend ta main et te donne son nom, Marigold. Tu continues de lui sourire, mais lorsque celle-ci demande à prendre la main de l’autre con, tu souris un peu moins, quand même. Pourquoi a-t-elle besoin de ce débile mental ravagé du QI ? Tu utilises un peu d’énergie pour réchauffer le creux de ta main - à défaut de savoir créer des flammes correctes, au moins, tu sais réchauffer tes mains. Tu te dis qu’avoir une main chaude à tenir, ça serait plus rassurant qu’une main refroidie par la pluie qui vient tout juste de s’arrêter. Tu fais mine de ne pas entendre le con derrière toi, même si celui-ci t’appelle « madame je sais tout » et que tu le mets d’office sur ta liste de gens à détruire, autant mentalement que physiquement, à désintégrer de la surface de la Terre.

Il se décide à faire une blague à la gamine ; il lui tend sa main et l’enlève directement, avant de s’excuser et de la reprendre normalement. Tu bouillonnes, et la gifle ne va pas tarder à-

— Bon la rousse, pas le dico ahahaha. Hum, on fait quoi, on sort ?

Tu lâches quelques secondes la main de la petite pour venir mettre au poireau la plus grosse gifle de sa vie. Trop c’est trop, et lui il a déjà bien dépassé ce concept. Lui, il est dans le futur de la chiante-attitude. Tu ne comptes pas manquer une seconde, en rentrant à l’académie, pour aller parler de cet individu à Lee. Il ferait une bonne victime à ses yeux, tu en es persuadée. Tu retournes vers la petite et lui reprend la main, l’air de rien, celle-ci est toujours bien chaude et tu peux dire que la petite Marigold apprécie rien qu’en regardant son visage. Tu lèves les yeux, méprisante, sur celui qui se fait appeler un « scientifique ».

— Bien sûr qu’on sort, t’as cru qu’on allait rester ici pour la nuit ? Y’a des gens dehors, débile, lui craches-tu.

Tu entames la marche vers la porte de la bulle par laquelle tu es entrée auparavant, quand tu as découvert son emplacement. Tu croises les doigts pour que personne n’ait remarqué la bulle de l’extérieur, sans quoi il serait possible qu’une multitude de mitraillettes vous attendent au-delà de celle-ci et juste devant l’entrée. Cette pensée t’arrache une grimace, et tu commences à t’angoisser.

Tu parviens jusqu’à la porte, la main de la petite dans la tienne et tentant de supporter les remarques de l’autre dégénéré, et tu te décides à l’ouvrir ; découvrant au passage l’extérieur. Il ne semble y avoir personne de l’autre côté, visiblement, tu laisses donc échapper un soupir de soulagement en passant le pas de la porte. Et vous voilà dehors, sains et saufs. La bulle disparaît et vous rentrez tous trois à Swish.