Pie Voleuse

Chaque voix est unique, cependant qui n'a pas été déjà trompé par une bonne imitation à la radio ? Être imitateur n'est pas ouvert à tout le monde, bien que certains ont des facilités. L'imitation est un art subtil et difficile. Il faut une écoute particulière, un travail constant et régulier sur l'appareil vocal pour assouplir au maximum le pharynx, le larynx, mais également les cordes vocales. De plus, l'articulation, le phrasé, les tics de langage, les accents, la prononciation et la hauteur de voix, tout cela est aussi à prendre en compte. Mais aussi les postures, les mimiques et la gestuelle... Chaque détail doit être minutieusement observé, analysé pour être reproduit avec justesse. Imaginer vous le travail et le temps nécessaire !

Malgré tout, pour une certaine personne, tout ce travail est presque risible. Après tout, il lui suffit d'entendre ne serait-ce qu'une syllabe, pour que tout lui soit clair. Vos tics de langage, votre phrasé, votre accent, votre prononciation, tout ! C'est comme si elle avait copié votre être, l'avait presque volé, en somme ! Soudainement, vous ne pouvez plus parler, votre bouche et votre langue bougent, mais aucun son ne sort. Le médecin, dit que vous êtes aphone et que vous avez perdu votre voix. C'est comme si une pie voleuse l'avait trouvé si belle qu'elle l'avait gardé pour elle. Le pouvoir de Dominique, c'est cela. Elle écoute et elle vole. Parfois voix d'enfant, ou de vieillard, de fumeur, ou de cantatrices, voix de vivant ou d'outre-tombe. Personne ne sait combien de voix elle a volé, par envie, ou par accident.

Cependant, Dominique ne peut voler que ce qui parlent sa langue maternelle. C'est pour cela que le pouvoir de traduction de l'académie est son plus grand atout, car les voix jusqu'alors innascéssible sonnent soudainement Français à ses oreilles. Quand Dominique vous vole votre voix, celle-ci n'est que de passage. 48 h au maximum, car utiliser la voix des vivants lui abîme l'organe vocal. C'est comme si elle avait avalé un oiseau qui cherchait à s'échapper sans relâche et dont les griffes se plantent dans son gosier. Heureusement, la voix des morts est plus simple à contrôler. Un enregistrement, ou une dernière parole avant le dernier souffle et cette voix lui appartient à jamais, le petit oiseau endormit pour toujours ne cherchera pas à s'échapper. Cependant, notre chère voleuse garde toujours un petit carnet sur elle avec le nom et l'origine de ses voix "mortes" volée, car une foix le nom oublié la voix disparait avec.

Comment ça ? Vous avez entendu la voix de Mickaël Jackson dans le couloir de L'académie ? Cela ne doit être qu'une pie voleuse...

Physique et Mental

Sans connaître son nom, beaucoup appellent Dominique,"La grande dame". En effet, mesurant 1 mètre 80, elle toise souvent les gens de haut. Elle est grande Dominique. C'est une femme avec des formes, une poitrine pulpeuse, des hanches larges et des poignées d'amour où il en faut. D'ailleurs, elle ne cesse de se battre avec son poids. Gourmande et bonne cuisinière, elle s'inquiète toujours pour son tour de taille.

Dominique est une dame de caractère. Aimable et patiente, elle s'est longtemps laissé marcher sur les pieds. Mais, par la force de l'âge et l'expérience, la dame a appris à se défendre. En colère, elle sait faire porter sa voix. N'hésitant jamais à utiliser les expressions imagées. Quand elle vous prend en grippe, Dominique est rancunière. Elle restera polie, mais n'hésitera pas à vous traiter de tous les noms d'oiseaux en privé. Très territoriale, elle mène son chez-soi avec une main de maître. Pourtant, à son plus grand regret, la dame cache sous son gant de fer une main de velours. Très émotives, les larmes lui viennent souvent à l'œil, ses colères sont souvent accompagnées de pleurs. Elle aime bien les histoires un peu triste et déteste les films pour les plus de 12 ans, car ils sont, selon elle, trop violent.

Dominique est une dame que l'on remarque souvent. En effet, bien que cherchant plus le confort que les dernières modes, Dominique aime les vêtements colorés. Ses bottines à fleurs lui valent souvent des remarques comme "tu as décroché tes rideaux ?", ou "Es-tu tombé dans un pot de peinture ?", mais qu'importe. Orange, rouge, ou jaune éclatant, la dame se promène avec les couleurs de l'arc-en-ciel. De plus, ses cheveux sont couleur châtain d'origine, la dame se teint aussi les cheveux d'un roux aussi rouge que le feu. Mais ça, c'est pour cacher ses quelques cheveux blancs.

Au calme, chez elle, Dominique aime se détendre en écoutant de la musique, laissant les talons dans le placard pour des chemises de nuit de grand-mère et des chaussons. Un peu frileuse, elle est toujours à la recherche d'un gilet. Elle regarde la télévision, se détendant devant quelques programmes un peu idiot, avec son chien Nougat installé sur les jambes. À son âge, on appellerait presque Dominique "une vieille fille". La jeune femme a, en effet, sacrifié sa vie amoureuse, au profit de sa carrière. Considérant les amourettes comme une perte de temps et d'énergie, et un investissement émotionnel trop important.

Histoire

La famille Lefevre est une fière famille française. Et Normande de surcroît. En plus de 100 ans, les membres n'ont jamais quitté leur terre. Et c'est aussi ici que Dominique Lefevre a vu le jour. La sédentarité un peu extrême de la famille Lefevre est le résultat du destin. Issue d'une longue ligné de propriétaire terrien, la famille n'a jamais ressenti le besoin de chercher la fortune ailleurs, vivant des rentes de leurs champs et des récoltes saisonnières. De plus, au début du vingtième siècle, le moindre voyage était une vraie expédition. Les moyens de transports de l'époque étant souvent rare, cher et peu accessible. Si bien que pour la famille Lefevre, la terre normande et le sang ne font qu'un. Allez donc dans les cimetières de Bellencombe ou de Rosay : la famille Lefevre se fera un plaisir de vous inviter à manger les pissenlits par la racine

Après la Grande Guerre, les Lefevre sont aussi apparu sur les monuments aux morts, pour la gloire nationale et celle de la famille. Oncle, frère et père étaient partis reprendre l'alsace et la lorraine pour devenir héros de guerre, six pieds sous terre. Puis vient les années glorieuses, l'immigration soudaine d'une main-d'œuvre polonaise à moindre coût fait le plaisir des rentiers de la famille Lefevre, mais les villes environnantes se mettent à grandir, les champs voisins deviennent de nouveaux chemins ruraux, Bellencombes et Rosay, s'en trouvent séparé. Henry Lefevre n'est malheureusement plus mangé par les même asticots que son cousin Guillaume. C'est un drame pour la Famille Lefevre qui voit aussi ses terres se réduire à peau de chagrin, à cause des rachat agressifs de l'état, afin que les villes voisines puissent se développer. De nouvelles habitations éclosent sur les anciennes terres, comme autant de furoncles, gâchant le paysage. Mais la famille survit. Certains restent dans leurs terres et d'autre vont tenter leur chance dans la ville la plus proche, voyant dans cet essors de nouvelles chances de s'enrichir, car un Lefevre ne sera jamais pauvre.

Mais cela fut, avant que la bête immonde ne souhaite un nouveau festin. Après la Der des Der, une deuxième guerre éclata. Et ce fut L'exode. La terre normande pillé par l'envahisseur, les champs devinrent des plaines lunaires jonché d'obus, l'église du village, un tas de pierre, la longère familiale, un feu de joie. La nourriture venant à manquer, la famille dût s'arracher à sa terre natale, déraciner comme la mauvaise herbe par les Allemands.

Un des nombreux enfants de la famille Lefevre a fait L'exode au sein de sa mère. Il n'en a aucun souvenirs. Mais la famille revint sur ces terres. Et comme le chiendent, retrouva ses marques. Une nouvelle génération pris racine. Les enfants Lefevre passent leurs vacances entre Bellencombe et Rosay. L'un d'entre eux rencontra une jeune fille nommée Marise. Cette dernière étant partie en cachette au cinéma, elle y rencontrât un des fils Lefevre, un grand jeune homme beau blond aux yeux bleu : Gilbert

Mais une énième guerre éclate. Un des frères de Gilbert part pour l'Algérie, alors que son jeune frère est encore à se bécotter avec sa petite amie. Mais le jeune homme doit aussi faire son service militaire. Alors, Marise reste seule avec sa belle famille, pourtant, ils ne sont pas fiancés. La famille Lefevre refuse le mariage tant que les hommes sont en service, car jamais une veuve ne pourra vivre à leur crocher. Pendant ce temps, Gilbert cherche l'honneur dans l'armé, mais la gloire à un goût amer. La guerre est finie depuis quelques années, alors les promotions se font attendre et les meilleures nominations reviennent aux vétérans. Vaincu, l'homme retourne chez sa famille son service terminé. Une fois marié, c'est sa femme qui lui permet de trouver un travail. Il rejoint la laiterie de la région. Mais Marise reste souvent seule. L'exode est bien loin, mais le rationnement reste encore un mauvais souvenir pour toute la famille Lefevre. Gilbert ne veut pas que sa famille manque de quoi que ce soit, alors l'homme se tue à la tâche.

La construction de leur maison est un vrai cauchemars. L'homme blond en devient blanc, en six mois. Mais les voilà propriétaires d'une belle demeure où leurs enfants pourront jouer dans l'herbe avec un labrador. Ils connaîtront les chansons des génériques pour enfant, l'écran du téléviseur oscillant encore entre couleurs et noir et blanc. Et voilà queCharle de Gaule n'est même plus président. C'est une autre époque.

Pourtant, les années passent et aucun rire d'enfant ne se joint au leur. Un petit garçon est bien né, mais la maladie a eu raison de lui. Un petit Guillaume qui n'aura pas vu son premier noël. Marise est un peu usée par les années quand son médecin lui annonce une nouvelle grossesse. Elle, qui ne montrait rien, se met en quelques semaines à grossir, comme si l'enfant s'était caché jusqu'alors. Gilbert est aux anges. Marise n'a jamais vraiment voulu d'enfant et lui a toujours voulu une grande fratrie. Ils auront finalement une fille, ressemblant traits pour trait à sa mère, aux cheveux châtains et les yeux bruns. Dominique est enfant unique. C'est une fille, donc le nom Lefevre s'arrêtera avec elle. Gilbert aurait voulu un autre enfant, un garçon, mais Dominique a malheureusement de vieux parents.

Dominique grandit vite. Malgré le caractère très doux et gentil de l'enfant. L'école n'est pas son fort ? La petite est souvent victime de brimade en raison de sa taille. Les enfants sont bien cruels. Mais Gilbert lui dit souvent qu'elle devrait en être fière. Dominique est une Normande. Les Normandes sont des belles femmes fortes à la carrure haute et fière. À une époque, on les appelait même les filles du roi. Pourtant, Dominique est une jeune fille renfermée, elle a peu d'amis et préfère s'évader, plus qu'étudier et sa blouse finie en boule tachée de terre dans son cartable en cuir.

C'est alors que sa douce enfant devient une adolescente criarde, sa voix porte, on l'entend de loin. Gilbert trouve parfois sa femme Marise, d'habitude si fière et dure, la larme à l’œil quand sa fille en colère se met à chanter « toi ce frère que je n'ai jamais eu », ignorant les photos du petit bambin bouffi accroché au-dessus de la cheminée. Elle hurle son malaise Dominique. C'est un appel à l'aide. Son corps change, son visage se couvre de comédon. L'école est un enfer, si on ne l'ignore pas, on se moque d'elle, on l'appelle la petite vérole. Alors, elle veut hurler à ne plus entendre, pour qu'ils ne parlent plus.

D'abord Gilbert, puis sa femme Marise, parfois quelques élèves. Cela semble magique, presque grotesque, d'entendre la voix d'un homme de cinquante ans sortir de la bouche d'une enfant de 12 ans. Mais c'est le cas. Dominique en pleure, elle tousse, crache du sang et le docteur est impuissant. Parler lui fait mal. Alors Dominique chante les vieilles chansons militaires que Gilbert lui a fait écouter. Les chansons de marche au pas, qui effrayait l'ennemie, la rassurent. C'est la voix es mort qui lui laisse sa gorge est douce comme après un verre de lait au miel. Mais ses chanteurs sans nom ne sont que des chants de passage. Gilbert et Marise sont déboussolés. Qu'a-ton fait à leur fille ? Leur fille unique, d'où lui vient ce don étrange. Ce n'est pas de l'imitation, c'est un tour de magie. Dominique doit le cacher. On ne doit surtout pas la remarquer. Et que diront les voisins ?

Gilbert se voit forcer sa fille au silence, mais Dominique sèche les cours, répond aux enseignants, et n'en fait qu'à sa tête. Un jour, elle part avec son sac en bandoulière et fugue. Gilbert se retrouve sans enfant, et c'est la panique. La police la retrouve chez une amie quelques rues plus loin, après que la mère l'aille retrouver le long de la départementale entre Bellencombe et Rosay. Gilbert a déjà perdu un enfant. Il ne peut pas en perdre deux. C'est son unique fille, il est obligé de l'accepter.

Afin de résoudre en partie le problème, Dominique change d'école, et l'adolescente sort enfin de sa chrysalide. Il y a encore bien des déboires, mais l'adolescente prend goût à l'étude, c'est en la personne de M. Donelly que la jeune fille va trouver sa vocation. L'homme parle une langue qu'elle ne peut pas copier, car elle ne la comprend pas. Sa propre voix change, entre le français et cette langue étrange. Est-ce un code secret ? Non, ce n'est que de l'anglais. Alors, la moyenne de l'adolescente augmente, elle s'intéresse aux autres matières, un peu, car son enseignant la soutient. Il organise des sorties de théâtre, de concerts, et même que Gilbert a vu sa fille partir en voyage par-delà la manche, et revenir les joues rouges des coups de soleil. Dominique a un caractère affirmé, sa musique secoue parfois le murs, et Marise hurle pour se faire entendre. Mais sa fille parle, et ne pleure plus de douleur, cette langue inconnue, même instruite, ne lui appartient pas. Bien que la perfide Albion est été conquis par ses ancêtres normands.

Gilbert fait de son mieux pour l'aider et la soutenir, Dominique s'épanouit enfin, elle voyage pendant les vacances et prend plaisir à expliquer cette langue à ses parents. Elle l'étudie encore et encore. Elle l'a fait complètement sienne. Et elle veut maintenant l'enseigner. Une fille enseignante ! Marise est aux anges, c'est un travail plus que respectable. Avec des horaire fixes et sa fille aura en plus le temps de s'occuper des enfants, et d’accueillir son mari après le travail. Si seulement la vie amoureuse de sa fille était plus active. Mais Dominique, préfère étudier, et Gilbert la soutient.



Dominique vit encore chez ses parents après avoir validé son année de stage suite au concours de l'enseignement quand une étrange lettre est retrouvée dans la boite aux lettres. Adressée à leur fille, cette lettre l'invite à un nouvel établissement crée récemment pour les gens comme elle. Ceux avec des pouvoirs. D'abord dubitative, Dominique est quand même curieuse et souhaite y aller. Mais elle reste réticente, l'établissement est loin et ses parents se font vieux. Ils ont presque 76 ans, et elle ne veut pas les laisser seuls. Mais sa famille la rassure, l'île est à une journée d'avion de Paris et elle peut toujours revenir pendant les vacances. De plus, Bellecombe et Rosay sont toujours les terres de la famille Lefevre. Gilbert et Marise seront bien entourés.

Depuis, 12 ans se sont écoulé. Gilbert et Marise sont partis rejoindre leurs ancêtres dans le cimetière de Bellencombe. Voilà maintenant plus d'une décennie que Dominique accueille chaque année des enfants aux pouvoirs étranges et loufoques. Voilà, maintenant plus de dix ans que Dominique essaye de les instruire tant bien que mal, avec toujours cette même phrase qui résonne dans les couloir dans l'académie quand les bavardages se font trop bruyant. "Encore un mot, jeunes gens, et vos voix m'appartiennent ! »