classic - mkto

Nous sommes tous le souvenir de quelqu'un animé par le temps, les souvenirs nous rappellent que malgré l'existence d'une fin les choses peuvent perdurer. Il y a des moments, des sourires, des voix, que l'on n'oublie pas, il y a des rêves que l'on se rappelle, dont on se souvient. Il y a le temps passé que l'on veut retrouver ou fuir pour toujours. Il existe des souvenirs pour lesquelles notre cœur hurle, des hurlements, des gestes et des paroles insupportables. Dans ta tête se trouve un immense château, déambulant chaque soir vêtue d'une robe rouge, les cheveux dorés, le cœur lourd. Il y a peut-être une cinquantaine de pièces renfermant chacune des centaines de souvenirs et c'est comme si, parfois, à l'intérieur de ce dernier ne se trouvait plus qu'une seule pièce, une seule remplie de noir et l'apparition de visage monstrueux. Il t’est impossible de sortir de là, de cette pièce de ce château, de ces souvenirs, tu es condamnée à revivre certains moments et leurs émotions en grade, tu es condamnée à te taire et pleurer certaines heures qui reviennent comme des cauchemars. Ils arpentent les murs et seule dans cette bâtisse, tu cours, au milieu des couloirs afin de les semer. Tu n’attends qu’une chose dans cette pièce noire comme l’ébène, que l’on entrouvre cette porte pour venir saisir ta main et te sortir de ces murs engloutissant ce sourire pensif qui trône sur tes lèvres en permanence.

Ton reflet sur l’immense fenêtre donnant vu sur la cour, regard cherchant un point où se poser jusqu’à fixer une simple feuille errante contre le gravier au gré du vent rendant ta vision trouble le temps d’un instant. Absente psychologiquement mais présente physiquement, index et majeur jouant avec le stylo que tu fais tourner, tapoter sur le bois du bureau. Bruit légèrement agaçant pour ceux qui peuvent l’entendre.

- Bambi ? Dîtes moi, vous avez l’air si captivé par ce cours, pouvez-vous me définir le watakushi shõsetsu ?

Léger sursaut faisant tomber ton crayon contre le parquet, ton regard perdu qui se pose sur le professeur de littérature sans comprendre le sens de la question en elle-même. Grimaçante, tu passes une main dans tes cheveux en guise d’appel à l’aide alors que tes yeux se posent sur les papiers en désordre se trouvant face à toi. Un exercice de mathématique sur lequel tu bloques depuis la veille dont tu avais jugé important de faire, en plein cours de littérature, ingénieux Bambi. Une autre feuille, celle du cours actuel que tu as négligé depuis une bonne trentaine de minutes, leçon incomplète. Mains glissantes sous la table, de tes cuisses à tes genoux, second signe de ton absence de réponse flagrante. Un murmure, un simple chuchotement qui se glisse dans le creux de ton oreille dont tu ignores l’origine, bien trop occupée à noyer le poisson frémissant hors de l’eau. L’autofiction ? Tu pinces tes lèvres entre elles, as-tu le choix de toute façon ?

- Mmh... Il s’agit d-de... C’est comme l’autofiction...? C’est un genre littéraire centré sur la vie intérieure d'un héros souvent assimilé à... à l'auteur ?

Hésitante, tu prononces ces mots sans la moindre confiance en toi, te fiant à des simples mots soufflés par l’un de tes camarades. Tes doigts saisissant le tissu de ta jupe de façon à froisser le coton de tes pulpes en attendant le moindre signe de ton professeur, bon ou mauvais. Heureusement pour toi, il se tourne pour annoter quelques phrases sur le tableau pour confirmer tes dires. Soupirant tu te penches pour ramasser ton stylo qui avait roulé au pied de ton voisin de table, non loin de toi. Un léger coup d’œil sur son papier qui semble avoir eu plus de succès que le tien où quelques mots se battent en duel face à un dessin gribouillé dans un coin de la feuille. Tu soupires un instant, mal à l’aise avant que ton attention se porte à nouveau vers le garçon aux cheveux noir corbeau. Tes doigts viennent saisir sa manche, la tirant avec timidité pour capter son regard alors que tes joues rougissent légèrement.

- D-danny ? Je... Est-ce que je pourrais emprunter ta... Ta feuille, s'il te plaît ?

Malaise visible sur chacun de tes traits, non seulement tu avais hésité sur son prénom mais il a fallu que tu cherches le contact sous tes doigts, comme-ci la parole était insuffisante. Léger accent anglais râpant contre tes dents avec ta langue. Second mouvement frôlant le ridicule, tu lui montres, presque fièrement ton cours vide que tu avais laissé à l’abandon.