Télékinésie

Ou la capacité de l’esprit à influer sur la matière, ce qui se résume à déplacer des objets, soulever des objets, déformer des objets. Par le mouvement oculaire principalement ou l’extrémité de ses membres, à savoir ses mains ou ses pieds, les mains sont plus précises que les pieds. Un tel don fonctionne de la même manière qu’une discipline physique, à savoir qu’il faut entraîner le membre, ici l’esprit, au prix de temps et d’efforts.

Concrètement, à ce jour, l’étudiante parvient à agir sur des éléments qui font au maximum cinquante kilos. Comme expliqué précédemment son esprit peut être comparé à un muscle, donc le fameux objet de cinquante kilos n’ira pas rencontrer les nuages, ni traverser les frontières, si déjà, il décolle du sol nous ne sommes pas trop mal.

Trop utiliser son pouvoir l’essoufle, forcer lui provoque des courbatures qui se traduisent au plus grave par de puissantes migraines, la migraine étant un stade comparable à une déchirure musculaire. Si nous montons d’un cran, elle s’évanouit et peut se réveiller seulement plusieurs jours après. Il ne lui est pas non plus permis de le faire dormir un trop long moment, sous peine de rencontrer des difficultés à démarrer.

Physique

Négligée, mal coiffée, débraillée, ses trois adjectifs reviennent souvent la concernant et elle acquiesce sans sourciller. Tous les matins, elle peigne à peine ses longs cheveux aubergine, ingénieuse recette de brun et de violine pas du tout naturel. Son chignon à toutes les peines du monde à retenir les mèches qu’il enserre. Ne parlons même pas de celles qui obstruent régulièrement son champ de vision agaçant la plupart de ses interlocuteurs.

Néanmoins, ses deux prunelles absinthe captivent, presque trop grandes pour son visage anguleux et mis en valeur par de longs cils peinturer de noir. Cela accentue inévitablement son teint translucide et veineux, incroyable quant à sa capacité à mettre les rougeurs en valeur. Gène, colère, gêne, tout y passe, comme ses fines lèvres souvent écarlates à force de subir l’assaut de ses canines.

Sa manie de ne porter que du noir et du blanc ne lui vaut des compliments de la part de personne. Nous ne savons même pas comment, ou de qui, lui est venue un jour l’idée de revêtir seulement des chemises assortie à des jupes tailleur ou des shorts. Une sorte de costume de la bureaucrate sortie d’un sitcom. Par contre, on ne peut rien dire, ses vêtements sont toujours impeccablement repassés et sentent bons.

Elle n’impressionne pas, un petit mètre soixante-neuf pour une soixantaine de kilos, tout juste de quoi intimider pas mal de monde. Parce que oui, il est bien connu que la taille assure le pouvoir, du moins si on l’écoute. Et dire que même cette explication douteuse ne l’empêche pas de martyriser son prochain. Concernant ceux qui ont mangé un peu plus de soupe, un coup de genoux et le problème se retrouve réglé.

Mental

Toujours son détestable sourire comme gravé de part et d’autre de son visage chafouin. Peu importe le moment, peu importe la situation, que ça convienne ou pas. Elle vous dira que c’est nerveux, mais non il y a plus que ça, elle vous énerve à fredonner, siffler et surtout murmurer. Sa spécialité ? Parler le moins fort possible et vous faire répéter, ne vous avisez pas d’insinuer qu’elle vient de vous insulter, cela ne lui fait pas peur.

De quoi ? De commencer une dispute quitte à déformer ses propos, seule comme une grande. Madame ne dépend de personne et sait se fourrer jusqu’au cou dans les problèmes, sans assistance. Dans quel but ? Faire du mal ? S’amuser, après tout ce ne sont que des mots, rien de grave, des mots ça se remplacent. Alors quand il faut crier, elle ne crie jamais la première, mais rapidement, son timbre de voix rayé raisonne.

“Rien de personnel.”

Sa phrase favorite, vide de sens, qui vous éclabousse après la fin et tâche votre ego. À quoi bon continuer, sa réputation précède ce personnage, atypique parmi les atypiques. Dérangeante, comme sa manie de tenir l’anneau rattaché à son ras-de-cou, plusieurs lui ont déjà demandé s'il s’agissait là d’une laisse, ce à quoi elle répond de manière positive. N’est-ce pas plus amusant de laisser planer le doute ?

Pour qu’on parle d’elle ? Même pas, ses raisons restent obscures, elle semble désirer vivre à côté des autres. Son humeur demeure instable, y peut-elle quelque chose ? Ses bonnes résolutions ne tiennent jamais et ce n’est pas faute d’en avoir aligné. Agir ainsi attire toujours les foudres des plus grands et plus forts que soi, mais même se prendre des coups et en donner ne l’arrête pas.

Histoire

Les Krieps viennent du Luxembourg, sa famille maternelle vit au Pays-Bas contrairement à la branche paternelle originaire de son pays natal. Rainette doit son nom atypique à une arrière-grand-mère française qui la nomma ainsi pour rendre honneur à son regard. Personne au cours de sa scolarité ne lui fit de remarques dessus, parce que sa mère, à elle et son grand-frère, organisait l’école à la maison. D’après cette dernière, les professeurs ne surent pas exploiter l’incroyable potentiel de sa progéniture. Les enfants avaient néanmoins, quelques amis de leur âge par le biais des amis de leurs parents. La petite adorait passer du temps avec son meilleur ami qui répondait au prénom de James. D’à peine deux ans son aîné, comme son frère, ni l’un ni l’autre ne se donnaient de limites.

Tommy Krieps, n’appréciait pas sa petite sœur, il n’allait pas jusqu’à lui causer du tort, mais il évitait de la fréquenter en dehors de sa routine. Quant au paternel, il travaillait à la capitale et ne rentrait qu’un week-end sur deux, laissant libre cours aux désirs de pouvoirs de sa femme. La religion occupait une grande place et rythmait la journée, du moins pour les prières. Le second homme le plus influent était alors le prêtre de la paroisse du quartier qui répondait aux nombreuses questions d’Émilia. Émilia s’inquiétait de savoir sa petite aussi sournoise et son garçonnet aussi détaché de la vie familiale. Elle n’en parlait pas devant eux et attendait les visites de son conjoint, Jonas, afin de calmer ses terreurs. Les enfants ne jouissaient que de peu de libertés, même la génération précédente d’adultes se plaisait à les sermonner pour un rien.

À huit ans, Rainette rencontra pour la première fois la maîtresse de son père qui attendait non loin de la porte d’entrée, une grande femme à l’opposé de sa tyrannique génitrice. Elle lui plut tellement qu’elle s’empressa de questionner d’une drôle de façon le père, le dimanche suivant après la messe. En choisissant correctement ses mots, la petite s’adressa à lui en ces termes :

“Quand une maman ne plaît pas à ses enfants, le papa peut-il en changer ? Je veux dire, enfin, oui, je sais que le mariage est sacré, mais Dieu n’autorise pas les exceptions ? Surtout que là, je parle d’une très mauvaise maman.”

Il ne s’inquiéta pas ni ne sembla dérangé par cette question, après tout, cette enfant venait souvent le déranger ainsi. Il l'expédia comme toujours en citant un passage de la Bible. Étrangement, la belle femme ne revint plus, la friponne le regretta et continua à subir jour après jour. Les coups arrivaient parfois, mais c'étaient les remontrances accompagnées des interdits qui pourrissaient son train de vie. En plus, Tommy ne connaissait pas le sens du mot solidarité.

Au moins, James la soutenait en toute circonstance et la complicité des deux jeunes s’éleva au point où ils se promirent en mariage l’un l’autre une fois majeurs. À cette époque, son comportement, mis à part quelques bêtises et effronteries, n’atteignait pas celui d’aujourd’hui. Aux yeux d’un adulte équilibré, la tête brûlée ne se distinguait pas. Puis le jour de son onzième anniversaire son frère lui tapa sérieusement sur le système. Il lui parla de travers et prétexta avoir mieux à faire que partager son gâteau. Déjà un peu bagarreuse, la polissonne lui sauta dessus et s’apprêta à lui asséner de violents coups quand l’adolescent la projeta contre un vaisselier. Les vitres se brisèrent et son frêle corps se fracassa contre le parquet, le meuble suivant sa course. Une fois à l’hôpital la petite ne se décida pas à refaire surface, son coma dura deux mois entiers.

Les soignants à sa charge durent annoncer par la suite une mauvaise nouvelle qui finit par faire s’effondrer sa famille : une grande partie de sa mémoire resta hors de sa portée, seuls quelques moments avec James subsistaient. Afin de répondre de ses crimes, Tommy fut envoyé en pensionnat et quand elle rentra à la maison, couverte de cicatrices, il ne lui restait plus que sa “mère”. La cohabitation s’avéra d’autant plus difficile que le conditionnement normalement vécu ne fonctionnait plus à présent. Cela dura facilement une année entière, année qui sonna le glas de toute cohésion familiale. Son pouvoir se manifesta, sans qu’Émilia ne s’en rende compte, trop occupée à tenter de ramener les souvenirs perdus. Au début, par petite touche, des tasses ou des couverts changeaient de place. Puis, quand d’un mouvement de main Rainette amena à elle un vêtement, la pauvre femme crut que sa progéniture était victime d’une possession démoniaque.

Toute paniquée, elle s’empressa d’aller voir son prêtre et voulut tout de suite mettre en place un exorcisme. Il parvint tout de même à la calmer et se proposa même de venir sur place ausculter l’enfant. Rien ne l’alarma, si ce n’est son insolence, pour ce dernier point il proposa à la mère désemparée un institut pour redresser les jeunes filles. Il devait leur envoyer par courrier l'adresse, sauf que les deux Krieps reçurent l’invitation pour Swish plus rapidement.