Le violent claquement qu’émit le livre en frappant le bureau prit la plupart des élèves présents dans la salle par surprise. S’en suivirent quelques échanges de regards confus, des rires étouffés, amusés, puis rapidement un nouveau silence.
-Il vous reste une minute!
Un sourire mesquin sur le bout de ses lèvres, ravi d’avoir provoqué quelques sursauts, Gareth restait attentif aux jeunes sous ses yeux. Si les plus confiants n’avaient eu besoin que de quelques secondes et de quelques mots pour répondre à sa question, la plupart continuaient de plancher dessus en complétant leur copie. Enfin, il y avait ceux qui, pour différentes raisons, n’arrivaient simplement pas à trouver une réponse. Assis au bord de son bureau, le rouquin se prit à imaginer ce qu’il aurait pu écrire à leur place, quelques années auparavant.
-C’est terminé, posez vos crayons, je veux voir vos yeux vers moi !
A nouveau, son regard fit un rapide tour de classe, avant de se redresser, et de prendre la direction du grand tableau, craie en main et d’y inscrire d’un geste fluide, presque chorégraphié :
« Qu’est-ce-que l’Art m’apporte ? »
Elle n’avait rien de facile, cette question. A vrai dire, elle n’avait ni bonne ni mauvaise réponse. Peu conventionnelle, à l’image d’un jeune professeur las d’une façon trop terre à terre d’enseigner sa matière. Mais même s’ils manquaient encore de maturité pour certains, ses élèves suivaient son enseignement depuis déjà quelques mois, et avaient pris l’habitude de cette curieuse façon de faire. A la fin de chaque cours, et pendant cinq minutes, il leur demandait de répondre à une question ouverte simplement avec ce qui leur venait en tête. Et il était ravi de voir chaque semaine de nouveaux élèves s’ouvrir à l’exercice, le nombre de pages blanches diminuant de plus en plus à chaque fois.
Mais si les réponses n’étaient pas dénuées d’intérêt, Gareth avait plusieurs idées derrière la tête. Une grande partie de ces jeunes s’apprêtaient à entrer en enseignement supérieur, où l’on pousse leur réflexion à un niveau supérieur, et on leur demande de faire preuve d’indépendance. Dans un sens, il ne faisait que les préparer à ce qui les attentait… Même si son but premier- et très égoïste de surcroît- était d’éveiller la conscience artistique qui sommeil en chacun d’eux, et qui sait, peut-être même leur donner une fibre, un intérêt, pour les pousser vers sa spécialité qui manquait cruellement d’aspirants.
-Vous connaissez la chanson, si quelqu’un souhaite partager sa réponse avec tout le monde, c’est le moment ! A voix haute, et menton levé, comme toujours ! Les autres peuvent amener leur fiche ici et sortir en silence.
Comme on pouvait si attendre de la part d’adolescents, la salle se vida rapidement. Preuve qu’il y avait encore du progrès à faire pour les convaincre...
Le cours durait depuis trop longtemps aux yeux d’Eliott. Pas qu’il n’aimait pas ça, mais la matière ne l’intéressait pas vraiment. Il préférait largement réciter ses connaissances que répondre à des questions philosophiques sur l’Art.
Concentré sur une réponse qui ne venait pas, un violent claquement le fit sursauter. Il leva les yeux pour observer son professeur, qui venait de frapper un livre contre son bureau. Il leur restait une minute pour répondre à la question et sa feuille était toujours vide.
“Qu’est-ce que l’Art m’apporte ?”
Il bloquait depuis trop longtemps, mais en même temps, il n’avait vraiment pas la réponse. Que pouvait bien lui apporter l’Art ? Rien. Il savait ce que cela pouvait apporter aux autres, mais à lui-même ? Rien. Rien d’autre ne lui venait. L’Art, il ne comprenait pas vraiment, il n’accrochait pas. Ça ne lui apportait ni échappatoire, ni moyen d’expression. De toute façon, il ne savait pas dessiner ou peindre alors bon…
Alors que le professeur ordonnait à tous de poser son stylo, Eliott griffonna rapidement un “Rien” sur sa feuille. Evidemment, le professeur proposa, comme à son habitude, de donner sa réponse à voix haute. Et même si Eliott en avait eu envie, ce qui n’était pas le cas, il n’aurait pas eu grand chose à dire. Apparemment, l’écriture non plus, ce n’était pas son truc.
Eliott prit le temps de faire son sac et de laisser les autres élèves sortir avant de se lever à son tour pour apporter sa feuille presque blanche. Ça l'énervait. Il voulait vraiment faire quelque chose de bien, mais encore une fois, il n’y avait rien de plus à dire. L’Art ne lui apportait rien, c’était juste une matière obligatoire dont il se serait bien passé.
Enfin, si ça avait été noté, il aurait probablement blablater toute une rédaction sur quelque chose qu’il ne ressentait pas vraiment. Si c’était ce que le professeur voulait, il pouvait le faire. Tant que ses notes étaient bonnes, il se fichait du reste. Il aurait bien séché, cependant, l’Art lui posait problème et la curiosité sur la question qui allait être posée, comme si elle pouvait d’un seul coup devenir l’une des choses les plus intéressante du monde, le faisait finalement toujours venir.
Il savait qu’il se lasserait et qu’il se contenterait d’apprendre le programme avant de retourner pour les examens. Mais pour le moment, il faisait encore un effort, comme s’il fallait encore impressionner quelqu’un. Qui ? Il ne savait pas. En tous cas, il était certain de ne pas y arriver.
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Mar 20 Avr - 21:56
So much ways to teach a single lesson ~
Eliott Rousseau
L’entièreté du groupe avait déjà presque décampé. Jetant un œil curieux aux diverses copies qu’il avait récupérées, Gareth s’apprêtait à les suivre, et n’attendait que le départ du dernier élève pour fermer la salle de classe derrière lui. Le retardataire - s’il pouvait l’appeler ainsi – n’avait pas l’air soucieux le moins du monde de rester à la traîne. Et s’il était vrai que rien ne le pressait puisque leur prochain cours ne débutait pas avant un bon quart d’heure, voir un jeune rester seul à l’arrière d’une classe qui semblait pourtant assez unie et joviale avait de quoi attiser la curiosité.
A dire vrai, ce n’était pas la première fois. C’était même assez récurent pour ce jeune homme, M. Rousseau… Eliott ? Alors qu’il s’interrogeait lui-même, Gareth pris le temps de vérifier son prénom dans les copies. C’était l’un de ses plus grands défi en tant que nouvel enseignant, retenir tout ces noms… Bref, Eliott donc, semblait se complaire parfaitement dans sa solitude. Ce n’était pas un mal en soi, bien qu’étant aux antipodes de sa propre philosophie.
- Donc, d’après toi… L’Art ne t’apporte «Rien»...
Un sourire aux lèvres, un sourcil haussé, le regard interrogatif, Gareth ne pouvait cacher une certaine surprise. Cette réponse pouvait sembler futile à première vue, voir même témoigner d’un désintérêt complet. Mais une personne n’ayant aucun intérêt pour son cours n’aurait simplement pas pris la peine de répondre, et quelqu’un voulant juste répondre par principe aurait griffonné n’importe quelle réponse banale, mais certainement pas «Rien». Non : au visage du garçon, à son appartenance à la classe A, et de ce qu’il avait appris de par son comportement, c’était évident qu’il s’agissait d’une réponse honnête et réfléchie.
- Je peux comprendre le sentiment… Tu ne serais pas le premier à te demander ce que cette matière fait dans l’enseignement général, à côté des fondamentaux comme les Maths ou l’Histoire !
Gareth avait repris ses aises, installé en tailleur sur son bureau, encore plus décontracté qu’à son habitude. Il n’était plus là pour donner un cours, juste pour une simple discussion. Prenant une mine exagérément outrée, il secoua la tête comme si l’idée de faire valoir une quelconque matière plutôt que la sienne lui paraissait aberrante. Mais malheureusement la réalité n’était pas si loin.
- Dis moi… Tu as déjà été au cinéma, j’imagine… Oh, mieux, je suis presque sûr que tu as déjà écouté de la musique au moins une fois dans ta vie ! Je me trompe ?
Même en les prononçant sur le ton de la plaisanterie, les mots du professeur n’étaient pas vide de sens. L’Art étant un domaine très vaste, il était parfois difficile de cerner à quel point il était présent partout autour de nous. Et faire ouvrir les yeux à ses élèves faisait partie intégrante de son nouveau travail !
Occupé à ranger son sac, tentant de laisser du temps à la foule pour prendre de l’avance, Eliott ne faisait pas vraiment attention au professeur. Il hésitait aussi à aller au cours suivant, se sentant d’avancer tout seul dans son enseignement. Il préférait avancer tout seul, il n’avait pas besoin de suivre un rythme imposé. La voix de son professeur le sorti de ses pensées, le prenant par surprise. Il redressa la tête et observa l’homme en face de lui.
-Et bien… oui.
C’était peut-être décevant pour lui. Après tout, il devait bien être une sorte de fan de l’art pour vouloir l’enseigner. Mais vraiment, Eliott ne voyait pas ce que l’art pouvait lui apporter. Il n’était pas spécialement fan de ça, ni doué pour ça, ni même particulièrement attiré par ça. Et ça ne lui apportait pas grand-chose d’intéressant. Il ne comprenait pas l’intérêt de perdre son temps à observer une peinture.
Le commentaire de son professeur le fit un peu sourire. A vrai dire, ce qu’on voyait en histoire ou en mathématique dans l’enseignement général n’était pas forcément des trucs utile pour la vie de tous les jours, mais il comprenait pourquoi on l’enseignait, comme l’art, même si ce n’était pas ce qui l'intéressait le plus. Après tout, c’était pour une histoire de sens critique ou quelque chose du genre.
Le professeur, assis sur son bureau, probablement plus libre car il y avait moins d'élèves, semblait reprendre le contrôle de la situation. Enfin, il ne l’avait pas vraiment perdu, mais il semblait bien plus sûr de lui quand il lui posa sa question, bien plus théâtral, aussi. Le jeune homme hocha la tête.
-Pour le cinéma, oui, mais c’était il y a longtemps. Quant à la musique, j’en écoute oui. Et je sais que c’est de l’art aussi, mais je ne vois pas ce que ça m’apporte.
Il écoutait de la musique certes, mais il le faisait surtout pour avoir un bruit de fond quand il travaillait ou encore, pour retirer l’envie qu’on vienne lui parler quand il avait envie d’être tranquille. Vraiment, ça ne lui apportait rien de particulier.
-C’est juste quelque chose qui me permet d’avoir du bruit dans le silence ou de ne pas entendre ce qui se passe autour de moi.
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Ven 23 Avr - 17:51
So much ways to teach a single lesson ~
Eliott Rousseau
Alors que la première partie de sa réponse semblait trahir une légère morosité, Gareth s’attarda surtout sur les derniers mots de son élève, qui se contredisait sans même s’en rendre compte. Son léger sourire toujours dessiner au coin de ses lèvres, il haussa les épaules, et le regard voguant innocemment sur le reste de la salle vide, il reprit les mots qu’il venait d’entendre:
-Briser le silence ou s’isoler… Des raisons plutôt communes pour écoute de la musique… Dit autrement, elle t’apportent un sentiment de sérénité ou de tranquillité, dépendant du moment… Non ?
Il fixa à nouveau son regard sur le jeune homme, n’attendant pas spécialement de réponse. Il lui laissa le temps d’y réfléchir une seconde, avant de poursuivre.
-Je n’essaye pas de te prouver que tu as tord, ne t’en fais pas ! Tu es malin, tu dois commencer à savoir comment je fonctionne avec vous… La plupart de tes camarades ont le même point de vue que toi, cela dit, c’est presque blessant !
Parcourant les fiches des autres élèves en diagonale, Gareth grimaçait un peu plus à chaque fois qu’il tombait sur les termes «inutile» et «perte de temps», qui revenaient assez fréquemment, au point où il se demanda si ses élèves ne s’étaient pas concertés en amont… Il laissa échapper un soupire, et reposa les feuilles sur son bureau, avant de s’étirer de son long pour attraper un étui posé au sol de au pied de sa chaise.
-Si je te dis ça, c’est pour que tu prennes conscience que tout peut être vrai ou faux selon une certaine perspective. De mon point de vue, l’Art est présent absolument partout ! Mais ce n’est pas parce que je suis assis sur ce bureau que j’ai la vérité absolue, loin de là…
D’un geste fluide, presque orchestral, il ouvrit l’étui, et en sortit une guitare sèche au design commun, mais bien marquée par le temps, des traces d’éraflures rendant la couleur du bois très hétérogène. Il fit sonner un léger rift avant de plaquer sa main sur les cordes, jouant une percussion qui lui trottait en tête depuis un moment déjà. Secouant la tête en rythme, il commença à ajouter une petite mélodie, discrète.
-Tiens, et puisqu’on parle d’opinions et d’esprit critique, autant passer à la pratique directement ! Tant que je te tiens, dis moi comment ça sonne à tes oreilles, et si ça t’évoque quelque chose ?
Une fois son sac enfin fini, il avait vraiment décidé de prendre son temps, le jeune homme s’installa à son tour sur sa table, imitant plus ou moins son professeur. Il se figea le temps de réfléchir à ce que lui disait le professeur d’art. Un sentiment de sérénité ou de tranquillité ? Pas vraiment. Enfin, peut-être le reste du monde exprimait les choses comme ça, mais pour lui, c’était beaucoup plus simple. Juste un bruit dans le silence pour aider à la concentration lorsqu’il travaillait ou donner l’impression aux autres qu’il était occupé. Pas de sentiment de quelque chose.
A la deuxième remarque de son professeur, Eliott ne put que sourire légèrement. Blessant ? Peut-être bien, ça lui passait un peu au dessus. La matière ne l’intéressait que vaguement et il ne trouvait pas assez de logique dedans pour pouvoir avancer seul dessus. Peut-être que c’était le problème : trop de sentiment, pas assez de réflexion.
-Vous ne devriez pas le prendre personnellement. Vous êtes un bon professeur, vous avez juste la malchance d’aimer et d’enseigner une matière qui n’intéresse pas tout le monde. Je suis sûr que le prof de maths dit la même chose avec les E.
Il n’était pas vraiment sûr que ce soit réconfortant, mais ça lui paraissait logique. Après tout, ceux qui recherchait plus de logique et de réflexion devaient moins apprécier les matières telles que l’art et à l’inverse, ceux qui préféraient tout faire à l’instinct et aux sentiments devaient plutôt apprécier. Ou alors, il passait à côté de quelque chose.
Il observa l’homme récupérer un étuit, écoutant distraitement ce qu’il lui disait. Est-ce qu’il allait jouer ? Il y avait de grandes chances. Quant à la vérité absolue, Eliott savait parfaitement qu’elle ne pouvait exister dans ce genre de matière. Sans offense, évidemment. Il se concentra ensuite sur la musique, intrigué par ce que son professeur allait lui présenter.
-Eh bien… Je sais pas, c’est de la guitare. C’est répétitif aussi, ça doit rester facilement en tête. Je suppose que c’est connu ?
Ca ne lui disait pas grand chose de plus. Il ne faisait pas réellement attention à ce qu’il écoutait en règle générale. Et puis, l’analyse musicale, c’était pas son truc du tout.
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Ven 21 Mai - 11:51
So much ways to teach a single lesson ~
Eliott Rousseau
Si le jeune élève ne semblait pas vraiment convaincu par la démonstration de son professeur, le rouquin se félicitait d’au moins avoir saisi son attention, en témoignait sa position plus détendue et son attention portée sur lui, et non sur son sac comme jusqu’à présent. Il était clair, cependant, que les deux individus ne partageaient pas du tout la même vision des choses. Mais si la question n’était pas d’imposer son point de vue, Gareth se demandait honnêtement si une vie aussi terre a terre que celle qu’Eliott semblait vivre ne lui semblait pas un peu morose parfois.
Il répondit à sa remarque en lui rendant son sourire : même s’il actait comme si ça l’affectait, il avait bien compris que dans le monde dans lequel il vivait, il faisait partie d’une minorité. C’était un fait indéniable, et depuis qu’il avait appris à vivre avec, chaque fois qu’il rencontrait quelqu’un qui partageait sa philosophie, il ne parvenait pas à retenir son excitation. Mais ça ne l’empêchait pas de trouver une confrontation avec un avis opposé très intéressante voir enrichissante, que ça soit avec une personne affirmée et sure d’elle ou un jeune élève en questionnement.
Fermant les yeux et continuant de remuer la tête alors qu’il finissait la mélodie tranquillement, il déposa ses mains en arrière sur la table, et croisa ses jambes, sa guitare reposant toujours sur ses cuisses.
- A toi ça va peut-être te sembler étrange, mais si tu me suis là dessus, je pense que tu commenceras à comprendre un peu mieux comment je vois les choses...
Cherchant l’espace d’un instant une façon intelligible de s’exprimer, il reprit la parole :
-Tu vois… pour s’exprimer dans une chanson, un musicien a plusieurs outils avec lesquels travailler. Sa voix déjà, ça semble évident mais les paroles d’une chanson sont le moyen le plus simple de communiquer. Mais pour nous, chaque note de chaque instrument est aussi important qu’un mot. Le tempo est crucial, la structure fondamentale, et si on veut aller plus loin, suivant la personne qui l’interprète, ou même le moment de la journée, une chanson peut transmettre 2 messages différents…
Pour contextualiser ses dires, Gareth repris un fragment de la mélodie jouée précédemment, simplement un ton au dessus et un peu plus dynamiquement. Et bien sur, la mélodie s’en retrouva complètement modifiée, plus chaude et dansante, avec quelques retouches et un peu de travail, elle aurait pu faire fureur en tube de l’été.
-Pour toi c’est peut être simplement de la guitare, mais pour d’autre, c’est comme écouter quelqu’un s’exprimer, c’est comme une discussion. Une chanson peut évoquer un souvenir, ou exprimer un avis aussi bien que les mots...
Prêt à écouter ce que son professeur s'apprêtait à lui expliquer, même s’il doutait comprendre comme il l’aimerait, Eliott pencha la tête sur le côté, balançant vaguement ses jambes dans le vide. Il avait, comme prévu, un peu de mal avec le concept, mais comprenait où son professeur voulait aller.
-Ce serait plus un monologue alors.
Il n’avait pas pu s’empêcher de le reprendre. Il avait du mal à comprendre ce concept de s’exprimer pour le plaisir des gens. Et pire que ça, de s’exprimer sans être sûr d’être compris. A quoi tout ça pouvait bien servir ? Il avait pourtant l’habitude qu’on le comprenne difficilement sur certains sujets, mais s’exprimer pour ne pas être compris ou compris différemment dépendamment de l’humeur de son interlocuteur, ça n’avait pas de sens à ses yeux. Tout ça manquait de logique.
-Et puis, à quoi bon s’exprimer si on ne nous comprend pas ? Il pourrait simplement écrire un message, ce serait plus clair et plus rapide.
Le jeune homme fit une moue entre l’incompréhension et . Pourquoi faire simple quand on pouvait faire compliqué, ou juste le plaisir du bruit. Il passait un peu, beaucoup, à côté du concept. Enfin, chacun son mode de fonctionnement, il supposait.
-En plus, la compréhension dépend de l’humeur, je trouve ça extrêmement bizarre. Normalement, les choses sont claires comme elles sont.
Après tout, il comprenait très bien les maths et les maths étaient compréhensibles. Il n’y avait pas 10 000 manières de les comprendre. Ca, c’était clair, quelque chose qu’il comprenait et qui le comprenait. Enfin, ce n’était qu’un exemple. Comme l’histoire, la physique et tout plein de choses. Un seul message, une seule manière de les comprendre.
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Ven 4 Juin - 22:07
So much ways to teach a single lesson ~
Eliott Rousseau
Gareth laissa échapper un léger soupir de désarroi, secouant légèrement la tête à la réponse de son jeune élève. Il n’y avait pas grand-chose à faire, son esprit semblait simplement hermétique à la moindre notion s’éloignant du concret. Le fait d’être aussi renfermé sur sa vision et ses idéaux lui fermait sûrement des portes sans même qu’il ne s’en rende compte, dommage pour quelqu’un d’aussi brillant et studieux. Malheureusement, le fait d’être doué seulement quand il s’agissait du domaine scolaire, et de faire l’impasse sur le côté social des cours, et les échanges d’idées que l’interaction avec autrui pouvait amener, ça ne lui apporterait rien de bon. D’autant plus dans un monde aussi connecté et ouvert que celui dans lequel vivait leur génération.
A aucun moment le rouquin ne lui avait demander d’être d’accord avec sa manière de penser, il avait compris depuis un moment que tous deux étaient diamétralement opposés. Mais le garçon était encore bien innocent et maladroit dans sa façon de s’exprimer. Utiliser les termes «bizarre» et «normalement» dans un tel contexte témoignait parfaitement de sa naïveté, et rappelait au professeur qu’il avait affaire à un ado.
-Donc je suis «bizarre», et toi tu es «normal» ? Il ne me semble pas vous avoir appris à émettre un jugement sur autrui dans ce cours pourtant.
Même s’il gardait un sourire bienveillant au coin des lèvres, la remarque piquante du professeur fût soulignée par un ton un peu plus sévère. La tolérance était l’une des grandes vertus avec lesquelles Gareth ne plaisantait pas, et en tant que tuteur, il se devait de faire prendre conscience à Eliott que même si être sûr de ses convictions n’était pas mauvais, dénigrer celles des autres l’était.
-Tu as le droit de penser que je suis quelqu’un d’un peu farfelu, et ma musique peut ne rien t’évoquer. Par contre essayer d’expliquer à quelqu’un ce qui est normal ou non, ce n’est pas ton rôle. Ni le mien, ni celui de personne.
Il leva l’un de ses sourcils, son regard intense toujours posé sur son interlocuteur.
-Toi qui aimes tant les sciences, tu devrais bien connaître ce dogme pourtant… Un théorème, une notion, une loi est vraie jusqu’à ce qu’on prouve qu’elle est fausse. Même les mathématiques et la physiques ne sont véritables que d’un certain point de vue et son loin d’êtres immuables… C’est le principe même de la relativité non ?
Il lui adressa un petit clin d’œil :
-Et oui, j’assistais aux mêmes cours que toi il y a quelques années, ne va pas t’imaginer qu’on m’a nommé professeur pour me faire un cadeau !
Puis il jeta un coup un regard à sa montre, soupirant à nouveau. Décidément, un petit quart d’heure s’avérait trop court pour donner une leçon particulière.
-Je ne vais pas te retenir plus longtemps, il me semble que tu avais un autre cours après le mien, tu devrais rejoindre tes camarades si tu ne veux pas être en retard !
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