Les négociations avaient été rude, après tout, ce foutu blondinet l’avait bernée comme jamais. Mais maintenant, elle ne pouvait plus reculer. Nate avait entrepris toutes les démarches pour leur trouver quelqu’un capable de les coacher et de les amener vers le sommet. Ils avaient bien profité du parcours à la suite de leur rencontre mais à deux seul, la zone proximale de développement avait été trop dure à atteindre. Ils y étaient retournés deux trois fois ensuite, mais aujourd’hui, les choses sérieuses commençaient. Les deux protagonistes n’allaient certainement pas se complaire dans le C, ils visaient déjà le haut du panier, mais il fallait faire un pas à la fois. En tout cas, il l’avait bien entourloupée avec les cours particuliers qu’elle allait maintenant se coltiner les weekends en plus des autres activités pour lesquelles elle s’était engagée bien avant.

Elle s’extirpa de ses couvertures avec la grimace. Connaissant le blondinet, elle devrait en plus, aller le choper si elle voulait qu’il soit à l’heure. Foutu belle au bois dormant celui-là, presque pire qu’Avery après une nuit de jeu vidéo. Elle bailla à s’en arracher la mâchoire et mis le premier ensemble de sport qui lui passa sous la main. A tous les coups, elle allait suer sang et eau dès le matin. Elle ne savait pas encore qui le blondinet avait démarché pour leur offrir leurs cours, elle espérait que ce ne serait pas trop horrible mais bon, avec les psychopathes de profs de l’académie, elle avait peu d’espoir. Une fois sa toilette de chat accomplie, elle prit son téléphone pour prévenir Nate qu’elle arrivait dans trois minutes. Elle sortit pour se rendre dans la chambre du blond et vint tambouriner directement à sa porte.

- J’espère que le pti’ déj est prêt ! Ne me fais pas l’coup de la belle au bois dormant, j’veux pas être en retard !

Elle attendit en espérant que le blondinet était fin prêt et quand ce fût le cas, elle le traina jusqu’au lieu de rendez-vous prévu.

Esther passe sa main sur le visage quand Nate s’éclipse illico presto pour remettre son t-shirt à l’endroit. En vrai, elle se marre intérieurement, mais le fait de rencontrer quelqu’un pour les gérer la turlupine ; elle n’aime pas l’autorité et elle espère que cela passera malgré tout. Dans les bras, elle louche sur les deux tartes que Nate lui a fait tenir à la hâte.

Maintenant qu’il est bien habillé, le duo est fin prêt à s’élancer plus encore dans les hauteurs. Ils bavardent de la nuit, de jeux-vidéos et bien sûr, Esther aborde enfin le sujet qui la tiraille en questionnant le blondinet sur l’identité de leur professeur particulier. Stankovic Clyde. De réputation, elle le place dans une case alliant sévérité et exigence. Elle sent déjà que ce ne sera pas de tout repos, mais l’excitation est déjà à son comble, et puis … Que pourrait-il mal se passer ?

Quand ils arrivent, la porte du stand est grande ouverte et ils ont même 23 secondes d’avance sur l’heure du rendez-vous. Un exploit. Aussitôt le chambranle franchi, Esther parcourt la pièce du regard, mais ce qui attire son attention, c’est le canon que le professeur semble tapoter avec … Tendresse. Ses cheveux se dressent sur sa nuque, elle devine qu’il n’y a pas trente-six explication mais se tait sur ce sujet.

- Bonjour, … Lance-t-elle hésitant en s’approchant mais en gardant une distance respectable. Je suis Esther Lesath, merci de nous … recevoir. Elle n’est pas trop sûre de cette dernière phrase mais tant pis, ce qui est dit, est dit. Elle aussi le soin à Nate de se présenter lui-même.

Elle jette un coup d’œil à son comparse de fortune et fait un mouvement de tête vers le canon, l’air de dire : « P’tain qu’est-ce que c’est ça ?! Dans quoi tu nous as embarqué ? » [Ce genre d’expression] mais reprends un air tout à fait adéquat quand elle fixe à nouveau son attention sur Clyde.

La remarque chuchotée de son ami la fait pouffer de rire et détend légèrement la jeune demoiselle, mais la suite des événements la ramène brutalement sur terre. Le professeur lui demande de tirer sur son ami. Si ça, ce n’est pas le signe que le blondinet leur a trouvé un psychopathe comme enseignant. Anyway, trop tard pour reculer, elle regarde le canon, dubitative, et suit les recommandations du professeur. D’un pas rapide mais peu assuré, elle se place derrière le canon et attends que Nate prenne place également.

Elle reste un instant à fixer les deux autres protagonistes, elle est plutôt du genre lent alors, elle attend les instructions mais voyant qu’elles tardent à arriver, elle craint le pire. Ses neurones se connectent et elle tire la tronche avant de s’écrier envers le taré, assis contre le mur.

- Attendez, vous ne voulez quand même pas que ?

Elle accompagne son air ahuri de mouvement : elle point le canon, elle-même puis Nate. Elle espère sincèrement que ce n’est pas ça, mais elle ne voit absolument pas quoi d’autre. Au pire, si elle prévient le blondinet, il pourra dévier le boulet, non ? Mais quand même, c’est dangereux, du coup elle hésite.

Esther regarda Nate. Son visage n’était pas du tout rassuré face à l’annonce du professeur. C’est vrai que son partenaire pouvait parfois se montrer insupportable mais de là à lui tirer dessus … Pourtant, elle voyait bien que le professeur ne plaisantait pas. Des conditions réelles et alarmistes pour tirer le meilleur dès le début. Une méthode barbare mais efficace, du moins, il paraissait. Mais la jeune femme se demandait bien comment faire confiance à une entrée en matière comme celle-ci. Il devait avoir un grain, elle ne voyait pas d’autres possibilités. Mais que faire maintenant qu’ils s’étaient montrés, Nate et elle ? Esther n’avait jamais été du genre à abandonner et elle refusait catégoriquement de commencer aujourd’hui. D’un regard silencieux, elle semblait demander à son compatriote D ce qu’ils devaient faire. Pendant un instant, le temps parût comme suspendu. Le regard déterminé de son ami eut raison de ses doutes. Ils le faisaient. Ils maintenaient la disposition. Si quelqu’un était vraiment apte à ne pas se faire toucher, elle était persuadée que c’était bien le créateur de portail. Elle était même prête à accepter qu’il les lui renvoie. D’un regard, ils étaient complices et surtout, ils étaient prêts.

La jeune femme acquiesça depuis le canon. La perspective de blesser son ami la terrifiait mais elle pensait – peut-être à tort – qu’aucun enseignant ne laisserait ce genre de chose arriver.

- Ok ok ok … Disait-elle pour se motiver. Nate, je vais y aller à trois, t’es prêt ?

Elle attendit que son ami le lui confirmât. Après tout, c’était lui qui avait le plus à perdre dans cette histoire. Un bras, une jambe, la vie, qui sait ? Cette dernière pensée lui arracha un frisson d’horreur.

- Un … Deux … TROIS.

Elle alluma la mèche à l’instant où son décompte prit fin. D’instinct, elle voulu fermer les yeux pour éviter de regarder le carnage mais une petite voix dans sa tête lui intima l’ordre de regarder, et surtout, de croire en son camarade. Par conséquent, elle releva la tête et attendit, le cœur au bord des lèvres de revoir les portails. Un pour absorber, l’autre pour renvoyer le boulet. Elle guettait le moindre bruit, la moindre alerte. Elle ne savait pas où son ami allait renvoyer le boulet mais elle doutait qu’il lui renvoie. L’étincelle jaillit dans sa tête : le professeur l’avait prévu.

D’un coup d’œil, elle aperçu que le canon allait tirer une dizaine de boulet vers son camarade et d’un regard, elle aperçut l’enseignant prêt à lui faire subir le même sort avec une arme plus précise mais tout aussi dangereuse. Ses yeux s’écarquillèrent, et elle Sentit son corps se mouvoir de lui-même. Ses pieds prirent n’importe quelle direction, l’essentiel, c’était de fuir. Le fourmillement désormais familier parcourut son échine, tout devint tout à coup lent, presque suspendu et son saut la dirigea sur sa droite pour esquiver, c’était la première fois qu’elle gardait les yeux ouverts au début d’un saut, avant que le vent violent ne la fasse cligner. Quelle sensation étrange. En un battement cil, c’était fini, elle était hors de portée d’un premier tir qui lui était destiné, mais alors, pourquoi la faire tirer elle-même sur Nate ? Vraiment, quel taré.

Le danger devenait une forme de libération. Pour se mouvoir efficacement, la jeune fille doit garder un œil sur l’enseignant et se propulser à l’instant même où son doigt amorce son mouvement sur la gâchette. Une erreur et c’est foutu, elle se prendra une rafale, elle le sent, elle le sait. Pourtant, même si elle souhaiterait que son attention et son instinct soient entièrement à sa survie, elle ne peut s’empêcher de penser au blond qu’elle a mit dans une situation similaire, si pas plus horrible que la sienne. Elle doit pourtant résister, un coup d’œil, mais du coin périphérique de sa vision lui serait défavorable et la pousserait dans une situation délicate.

Pourtant, l’enseignant doit avoir compris, elle ne se déplace que sur les côtés. Si elle veut se propulser, elle doit toucher le sol, produire un impact, appuyer son mouvement. De loin, elle comprend qu’il sait et elle déglutit. L’assaut cesse. Les vingt prochaines secondes lui semblent interminable. Des taches sombres apparaissent devant ses yeux, elle a déjà fait Cinq sauts, mais elle sent que le prochain sera le dernier avant de tomber dans les pommes. Elle se sent en manque de sucre, d’énergie, à deux doigts de s’évanouir. Heureusement que Nate l’a nourrie. Cependant, elle ne sait pas où elle trouve encore la force d’être debout. A ce stade, chaque respiration est un enfer tant ses poumons brulent. Le nouveau chargeur est en place, elle l’entend au clac.

De nouveau, pendant une micro-fraction de seconde, tout tourne au ralenti autour d’elle, elle remarque le canon spécial pour les tirs en rafale. L’effroi dans son regard, elle n’a pas le choix, elle doit se propulser vers le haut. Le problème, c’est que de là, elle n’a aucune surface, aucun point d’appui pour se propulser. Ses pupilles se dilate quand elle croise le canon. Il vise sa tête et elle se sent à la merci du professeur qui, de loin, affiche un rictus. Est-ce de la folie, de la malveillance ? Ou ben le début de quelque chose de plus grand ? Même si elle pensait sincèrement à l’implication et au respect des normes de sécurité, elle ne cessait de se demander ce qui allait se passer si une balle la touchait.  Était-ce comme on le disait ? Allait-elle voir sa vie défiler devant elle d’une seconde à l’autre ?

Dans un souffle, elle senti une énergie nouvelle se répandre dans son corps. Elle craignait tant pour sa sécurité que la sensation, désormais familière, se manifesta d’un trait. Sans quel puisse bénéficier d’un appui quelconque, sa jambe droite donna un puissant coup dans l’air, la pression engendrée par son mouvement était tel qu’elle se senti bouger dans les airs. A la fois choquée et fière, elle n’eut que le temps de sourire avant de tomber lourdement au sol. Elle ressentit une vive douleur à l’épaule et vidée de toute espèce de force. Même si elle venait de produire un exploit, elle n’était pas du tout sûr de pouvoir le réitérer à l’avenir.

- Tu sembles déjà à bout de force … Je m’attendais à mieux.
- Eh merde. Lâcha-t-elle amère.

Elle se tenait sur le dos en maintenant fermement son bras. Comment Nate se débrouillait-il ? Pour le savoir, elle devait bouger mais rester consciente lui demandait déjà un effort surhumain. Elle respira longuement. Cinq minutes, dix, vingt ? Aucune idée, au moins, le professeur avait la décence de ne pas la canarder une fois au sol. Quand elle se senti prête, elle tenta de s’asseoir pour voir comment Nate s’en sortait, Normalement, la salve qu'elle avait tiré allait, elle aussi, bientôt cesser.

Même si elle doutait que l'entrainement se finisse ici.

La jeune femme mit du temps à reprendre son souffle et même une fois fait, sa tête lui tourna quand elle tenta de se remettre assise au sol. Assise, elle a tout juste le temps de voir les progrès de Nate. Fulgurants. Rien à voir avec son aller-retour à la cafétéria pour choper des éclairs. Elle voit sa main entrer dans un portail et ressortir de l’autre pour désarmer le professeur. Pendant une seconde, elle a même l’impression que Clyde affiche un sourire satisfait. Son attention se reporte alors sur Nate. Même si elle a un petit pincement au cœur de sa piètre performance, elle est vraiment fière du blondinet qui semble inquiet de la voir au sol.

- T’inquiètes ! Lance-t-elle avec un signe de la main pour le rassurer. Je me suis juste éclatée au sol tout à l’heure.

Elle se lève précautionneusement et enlève machinalement la poussière de ses fringues pour se donner contenance. Dans un sens, elle voudrait presque que le professeur se retrouve à son tour sous les assauts de balle de son camarade, ou même sous les siens. Mais le renvoi est trop risqué et pour un premier entrainement, la barre était vraiment trop haute.

- Ton dernier moove là, c’était grave stylé ! lance-t-elle en le gratifiant d’une tape dans le dos.

Pour l’instant, elle est trop à l’ouest pour remarquer qu’elle aussi a accompli une prouesse, elle ne s’en rendra compte qu’en analysant les images. En effet, ils ont droit à des critiques de la part du professeur qui, depuis le début à filmer la séance. Esther remarque et analyse l’instant ou elle s’est transcendée, consciente que ce n’était donc pas un rêve.

Esther regarde attentivement le moment où, persuadée que la balle va la toucher en pleine tête, son don se manifeste pour la première fois sans avoir besoin d’une surface pour se propulser. C’est ensuite Nate qui est passé au peigne fin. Deux heures se sont écoulées quand le tyran les laisse enfin quitter le champ de tir. Esther est épuisée mais quelque part, elle est fière de cette séance et contente que Nate l’ait poussé dans cette voie.

- Tu sais, au début, je ne pensais pas m’investir sérieusement … Avoue-t-elle d’une petite voix. Mais finalement, si c’est avec toi, je pense que ce sera vraiment très drôle alors … Merci, lâche-t-elle en regardant ailleurs, les joues rouges.


Cela fait maintenant plusieurs semaines qu’elle s’entraine avec Nate et ses progrès sont fulgurants. A force d’entrainement elle a enfin compris que la compression de l’air avec la force de sa propulsion lui permet d’effectuer non pas un mais deux Dash supplémentaires et ce, sans tomber dans les pommes. Bien sûr, un de plus et c’est pourtant exactement ce qu’il se passe obligatoirement. A-t-elle donc atteint le sommet de son pouvoir ? Si c’est le cas, c’est assez décevant mais au moins, elle devrait pouvoir passer en C avec Nate. D’ailleurs, d’après les dire de l’enseignant, la prochaine séance serait la dernière et la suivante servirait d’examen.

Autant dire qu’ils allaient vraiment passer dans la cour des grands.

Finalement, la consécration de tous leurs efforts était sur le point d’arriver. Le jour tant fatidique de l’examen était arrivé et, pire que tout, ce n’était plus qu’une question de minutes. Même si elle affichait un regard impassible, Esther devait bien avouer qu’elle stressait ; mais ça il était hors de question que sa gestuelle la trahisse. De son air conquérant, elle espérait inspirer son ami au calme qui, à côté d’elle, faisait pâle figure tant il trépignait d’impatience ou de stress ? Elle n’avait pas encore tranché. Toutefois, elle était persuadée que pour l’un comme pour l’autre, il ne s’agissait que d’une simple formalité.

Enfin, l’examinateur sortit et appela Nate. La jeune femme le gratifia d’une rapide tape dans le dos et d’un sourire pour l’encourager de façon subtile – Mais, comment interpréter son clin d’œil ? Boarf, elle y penserait plus tard. Il fallait qu’elle reste concentrée. Quand il eut disparu derrière la porte, Esther osa enfin soupirer. Elle-même était certainement au bord de la crise cardiaque en vérité même s’il n’y avait en réalité aucune raison pour ça. Son regard se planta dans l’horloge au mur ; trente secondes. Cela faisait à peine trente secondes, mon dieu, dire que dans seulement dix-neuf minutes trente, ce serait son tour. Elle se leva d’un bond et se mit à faire les cent pas. Cela avait au moins le mérite de l’échauffer ; encore un peu et on aurait pu croire qu’elle courrait. Réalisant son comportement puéril, elle se rassit et patienta jusqu’à ce que la porte s’ouvre sur un blondinet heureux, bondissant et fier. Instinctivement, elle sourit et le félicita rapidement ; elle était la suivante et l’examinateur l’appela à l’instant même où il avait fini de parler. C’était assez marrant de le voir chuchoter malgré son excitation ; tout le monde devait l’avoir entendu à l’étage, quoi.

- T’inquiète, je te rejoins dans vingt minutes. Articula-t-elle silencieusement avant de passer le pas de la porte et de la fermer derrière elle.

Ces mots étaient à double sens bien sûr. Elle le rejoindrait aussi bien physiquement que dans la classe supérieure.

Dans la salle, face à la jeune femme, les membres du jury s’étaient déjà installés. Elle inspira profondément, elle était sûre que ça se passerait bien pour elle, comme cela avait été le cas pour son ami. C’était là tout l’intérêt d’avoir travaillé ensemble tout ce temps, non ? Comme pour Nate, l’examen commença par la visualisation de ses capacités. Se revoir avec ses cheveux non teints et galérer à faire trois malheureux sauts avait quelque chose d’étrange … Elle se sentait si différente aujourd’hui.

- Mademoiselle, veuillez nous montrer vos progrès.

Elle acquiesça et s’exécuta. Elle avait refait ses gestes tant de fois durant les derniers entrainements que c’était presque automatique. Premièrement, montré qu’elle pouvait exécuter ses sauts assez facilement ; ils étaient presque devenu des réflexes. Obstinément, elle regarde les endroits où elle veut être, incline ses pieds et ressent la délicieuse décharge qui parcourt son corps pour lui permettre d’atterrir où elle veut. A gauche, à droite, tout droit – Ce sont trois petits pas pour elle, mais des pas de géant dans son parcours scolaire. En moins de deux secondes, elle n’est plus au fond de la salle mais devant le jury avec un grand sourire qui dissimule sa faim. « Dasher » lui donne toujours faim et maintenant, elle ne pense qu’à ce qu’ils vont manger pour fêter ça avec Nate. Mais, il lui reste un truc dans sa manche.

Elle repart de quelques pas – normaux cette fois – en arrière prête à passer à la seconde phase de l’examination. Elle inspire ; Ce mouvement n’est pas tout à fait au point, mais elle est convaincue que ça suffira, au moins pour la classe C. Elle ferme les yeux et laisse le frisson de l’excitation la pourcourir.

- C’est quand vous voulez … L’encouragea le jury central. Elle ne se souvenait même pas l’avoir comme enseignant ; c’était peut-être une chance d’ailleurs.

Sûre d’elle, elle prévint qu’elle allait y aller. Elle souffla l’air de ses poumons, posa ses pieds bien à plat et donna une impulsion qui partit de ses hanches, passa dans ses genoux et la propulsa dans les airs par ses pieds ; parfaitement au vertical. Comme à chaque fois, elle parut suspendue en l’air, tout se passait si vite mais elle voyait les choses comme si une seconde équivalait à une minute. Déjà, elle se sentait retomber et profita de ce court instant presque en apesanteur ou tout semblait clair. Sans aucun appui si ce n’est l’air, elle replia légèrement les jambes pour exécuter une seconde impulsion, à même les airs ; celle-ci la ramena au niveau du bureau où elle retomba gracieusement accroupie après un salto aérien avant de se relever et de les gratifier d’une petite révérence, digne des plus grandes gymnastes. Elle ne pouvait donc jamais arrêter de faire son show. Elle se sent légèrement étourdie comme à chaque fois qu'elle exécute son pouvoir en le poussant à ses limites mais elle tient bon, elle ne décevra pas son complice qui l'attend derrière la porte.

- Descendez mademoiselle. Lâcha une femme à l’air aigri.

Le stress reflua pendant qu’ils discutaient à voix basse. Est-ce qu’elle en avait fait trop ? C’était bien son truc ça, raté parce qu’elle était insolente. L’attente lui sembla interminable et enfin :

- Malgré vos lacunes en comportement, le jury et moi-même pensons que vous êtes effectivement apte à entrer dans la classe « C ». Cependant, si vous voulez poursuivre au-delà de ce rang, je vous conseille de soigner vos mauvaises manières.

Elle s’apprête à protester, s’excuser quand l’information arrive à son cerveau, elle est si heureuse qu’elle pourrait presque en chialer. Mais elle se retient. Si l’un des deux doit pleurer, ce sera Nate ! Un peu de dignité que diable. Elle sourit aux membres, fait une nouvelle révérence et s’apprête à quitter la salle ; la main sur la poignée, elle inspire. Mauvaise blague ou pas ? Non. Elle est trop heureuse. Même quand la harpie l'intercèpte de sa voix nasillarde :

- Une minute Mademoiselle Lesath, ... toutes nos félicitations.

De retour dans le couloir après les remerciements d’usage, elle se jette dans les bras de Nate qui l’accueille chaleureusement. Ils sont heureux et ça se voit, ils sautillent et elle annonce l’évidence sous entendue dans son sortir depuis sa sortie. Pas de crise de larme émotionnelle donc, simplement l’expression d ‘un bonheur intense.

- Ouais ! Les B n’ont qu’à bien se tenir ! Mais avant … À table !

Eh ouais. Chacun ses priorités.