Une blonde aux yeux turquoise mesurant un mètre soixante-cinq.

Le Soleil est couvert par des nuages, maintenant. Avant, elle rayonnait, éblouissait, aveuglait avec son sourire et sa seule présence. Maintenant, regarder la jeune blonde, c'est comme regarder une vieille photo désaturée. Les seuls sourires ornant son visage maintenant sont fatigués et forcés. Son visage pâle, ses yeux turquoise décorés de cernes, le corps plus mince qu'avant - son apparence mène à penser qu'elle est malade. Elle ne fait plus l'effort de tresser sa chevelure, plus l'effort de fournir sa garde-robe de vêtements féminins et à la mode, plus l'effort de se maquiller, plus l'effort de prendre la lumière du soleil et de la lui rendre avec un air agréable et relaxé. Pourquoi le ferait-elle ? Les seules exceptions à cette règle de négligence sont une teinture de cheveux (noire) qu'elle s'est faite après le massacre, et qu'elle a laissé déteindre au fil des mois ; porter des lentilles de contact de temps en temps lorsqu'elle sort (elle ne veut pas se faire reconnaître, ne veut pas avoir à s'expliquer, plus le temps passe et plus elle appréhende le moment où quelqu'un l'appellera par son nom - Lux) ; et continuer sa transition. Malgré l'air malade, Entros a l'air plus féminine qu'il y a deux ans, qu'il y a sept ans, et même si elle se juge méritante de toute la misère du monde, elle prend confort dans son apparence - toujours la vraie Lux (même si elle ne pense plus mériter ce nom), la personne qu'elle est, dans le corps dans lequel elle a grandi. Mais plus elle se permet la joie d'être elle-même, et plus elle se juge comme une personne affreuse.

Son âme est comme morte. Éteinte.

Rongée par la culpabilité et le regret. Elle ne sort pratiquement plus, ne parle plus à personne. Excepté la pratique discrète de son pouvoir, elle n'a plus de hobbies. Passe la majorité de son temps à travailler, à dormir, à fixer le mur blanc et vide de son appartement. Au fond, elle est toujours là. Mais elle s'est enfermée - autant au fond de son appartement qu'au fond de son esprit. Elle est persuadée qu'elle devrait être morte, mais trop lâche pour faire quoi que ce soit à ce propos - et, pense-t-elle, peut-être mérite-t-elle de vivre dans ce tourment et cet isolement auto-imposés.

Mais Lux, la lumière, la reine autoproclamée, tombée, traîtresse, est toujours là. Elle est toujours généreuse, patiente, responsable... Elle veut se faire pardonner, se pardonner elle-même. Elle veut faire le bien. Elle veut reprendre contact avec ses amis qui n'ont pas perdu la vie. Elle veut vivre sa vie, comme avant elle veut rejoindre la lumière à nouveau... Mais la fausse reine sait que rien ne sera jamais comme avant. La fausse reine est lâche. Alors elle reste dans son appartement, avec la solitude, le silence, et l'obscurité.
Entros n'a plus aucune fierté. Elle n'a plus aucun courage. C'est ce qu'elle pense, mais n'est-ce pas une forme de fierté de se tenir responsable pour un échec ? N'est-ce pas une forme de courage de se punir soi-même pour cet échec ?
Peut-être es-ce juste de l'égocentrisme.

Entros peut manipuler la lumière. Au fond de son appartement sombre, elle a eu l'occasion de s'entraîner avec ce pouvoir ces deux dernières années, mais pas autant qu'elle ne l'aurait pu si elle n'était pas retenue par une culpabilité irrationnelle. Elle ne peut utiliser ce pouvoir que sur la lumière qu'elle peut voir - par exemple, elle ne peut pas altérer la luminosité d'une pièce qu'elle ne voit pas. Une sur-utilisation de sa photokinésie commencera par donner le vertige à Entros. Si elle continue malgré les vertiges, ses yeux deviennent douloureux. Si elle continue après ça... Elle peut perdre la vue temporairement. C'est arrivé une fois, et depuis, elle fait plus attention.

Réduire ou augmenter la luminosité : l'usage le plus basique de sa photokinésie. La durée dépend de l'ampleur à laquelle la luminosité est altérée, et de la distance couverte par cet effet. Entros peut rendre la lumière d'un endroit précis complètement inexistante, mais ne peut généralement pas durer plus de 10 minutes.

Flash : un flash rapide et aveuglant, comme une claque à laquelle on ne s'attend pas. Entros peut en produire trois d'affilée en succession rapide, et peut utiliser sa photokinésie de cette manière trois fois par jour, assumant qu'elle se repose bien, et qu'elle n'utilise pas son pouvoir pendant environ une heure.

Illusion : en manipulant la lumière de façon précise et concentrée, Entros peut créer des illusions. Plus l'illusion est grande, couvrant une grande distance de lumière à manipuler, plus court cet effet sera. Bien entendu, les illusions produites de cette manière ne sont que visuelles, et on peut passer au travers. Le côté positif est qu'elle peut faire apparaître et mouvoir n'importe quelle chose qu'elle imagine.

Invisibilité : De la même manière que les illusions, Entros peut manipuler la luminosité l'entourant de façon précise pour se faire passer comme invisible. Si elle veut bouger tout en restant "invisible", elle doit faire attention à son environnement et aux possibles changements de luminosité venant d'une source externe (nuages couvrant le Soleil, entrer une pièce illuminée, quelqu'un allumant une lampe torche, etc.). Assumant que son illusion d'invisibilité ne tombe pas à cause d'une source de lumière (ou d'ombre) externe, Entros peut rester invisible pendant environ une heure. Bien entendu, comme une illusion, cet effet n'est que visuel : elle a toujours un corps physique, qu'on peut toucher ou heurter même sans la voir.

Née dans un patelin perdu au Nord du Canada, enfant unique, l'enfant passa les quinze premières années de sa vie sans être proche de sa famille en dehors de ses parents. Pas mal d'amis l'entourait, et ses notes étaient bonnes. Peu timide, sage à l'école et à la maison, tout le monde l'appréciait.

Ou du moins, appréciait le masque porté. Celui d'un garçon, sage, poli, intelligent. Mais ce n'était qu'un masque. Et tous les masques finissent par tomber, un jour où l'autre. Le sien, il tomba un jour après son quinzième anniversaire. Lorsqu'une "amie" révéla le secret confié. Moqueries tournent à insultes, qui tournent au harcèlement, qui tourne aux aggressions. La situation s'empira chaque jour, pendant environ un mois, jusqu'à ce que l'administration de son école contacte ses parents, à cause de ses notes en baisse... Et la progéniture fut forcée à expliquer la raison pour laquelle elle était harcelée.

On aurait pensé que l'amour d'un père et d'une mère étaient inconditionnel. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas, et ce n'était certainement pas le cas pour ses parents.
S'enfermer dans sa chambre était, dans sa tête, la seule solution viable à ce problème. Dans le noir le plus complet. Un noir surnaturel. S'ils ne pouvaient pas voir l'enfant, ils ne pouvaient pas lui faire de mal.

Pendant une dizaine de jours, l'enfant resta dans sa chambre, n'en sortait jamais. S'affaiblissait chaque jour, sans manger, ni boire, utilisant un pouvoir nouvellement découvert.

Et puis la lettre arriva. La lettre contenant ces coordonées mystérieuses.
Alors la petite, perdue et seule, pensant n'avoir rien à perdre, attend que ses parents dorment, que les voisins éteignent les lumières, et elle vole de l'argent du sac à main de sa progénitrice. Et elle part, avec un sac-à-dos de vêtements de rechange et de choses à grignoter.
Et elle ment, elle ment, elle ment, pour expliquer à ce sans-abri pourquoi elle marche jusqu'à la ville toute seule en pleine nuit, pour expliquer au chauffeur de bus pourquoi elle prend le bus toute seule, pour expliquer au controlleur de train pourquoi elle prend le train toute seule, et pour expliquer aux hotesses de l'air pourquoi elle prend l'avoir toute seule.

Et elle arrive à Moosbell deux semaines plus tard, et s'inscrit à Swish le jour d'après.

La blonde considère que Swish a sauvé sa vie. Elle n'aurait pas su où aller, sans Swish, n'aurait pas su quoi faire d'elle-même - se battre tous les jours contre les circonstances pour être elle-même, ou bien se cacher indéfiniment ? Grâce à Swish, elle n'a pas eu à choisir. Lux peut enfin briller.

Il lui fallut quelques mois pour sortir de sa coquille, se sentir en sécurité, réaliser que ceux qui ne l'accepteront pas se verront vite remis à leur place. L'administration et ses camarades l'aident à devenir plus elle-même chaque jour. Et entre-temps, Lux Regina est devenue un des piliers de la communauté d'élèves - passée de la classe E à la classe C, en bon chemin vers la classe B grâce à l'aide d'un de ses amis, elle aidaient ceux qui galéraient le plus avec leurs devoirs et révisions ; elle organisait des fêtes pour tous chaque semaine ; elle s'entendait avec tout le monde. Lux Regina, la reine autoproclamée, lumineuse, brillante, gouvernait ses sujets avec amour, l'amour d'une amie qui fait toujours de son mieux pour tout le monde, qui est toujours là pour vous. Pour rendre la pareille au système et aux personnes qui l'ont aidée à devenir elle.

Cinq ans plus tard, le désastre, suivi par le carnage. Elle avait un contrôle parfait sur la situation, jusqu'à ce qu'elle ne l'ai plus. Au Vortex, lorsqu'une personne inconnue a forcé le pouvoir de Lux à exprimer toute sa puissance, la vue s'en alla, petit à petit. Elle entendait la panique, elle voyait les explosions de lumière et les projecteurs qui clignotaient avant de s'éteindre, et après, elle ne voyait plus, elle sentait la douleur - comme si elle n'avait pas cligné des yeux pendant des heures, alors elle ferme et frotte ses paupières.
Elle sentit quelqu'un lui prendre la main, et la faire courir - des escaliers, à travers une porte, et après, les sons de panique, étouffés ; elle est dehors, et elle entend plusieurs paires de pas courir. Elle ne voit plus, mais elle entend.

Pendant un mois, elle ne voyait plus, elle entendait juste.

Et les mois suivants, la vue lui revint petit à petit, mais elle n'organisait plus de fête. Elle se sentait coupable. Cette soirée avait été une catastrophe. Elle aurait pu aveugler leurs assaillants, elle aurait pu réduire toutes les lumières complètement, elle aurait dû les voir venir, dans la foule, et couvrir la fuite de ses amis, rien de tout cela ne serait arrivé.

Tout le monde serait encore en vie, si Lux avait été plus maligne, plus réactive, plus observatrice.

Mais beaucoup sont morts, quelques mois plus tard. A cause de cet accident. Des enfants, des adolescents, des adultes qui voulaient les sauver. Lux n'était pas aussi courageuse qu'elle le pensait. Elle tenta d'utiliser son pouvoir pour aider - rendre les assaillants aveugles, les laisser dans le noir complet pour permettre à quelques personnes de s'échapper. Et peut-être fit-elle une différence, ce jour-là. Mais pas une aussi grande différence que la nuit qu'elle a passé au Vortex. Pas assez pour sauver ces innocents.

Alors Lux fuit. Elle bat en retraite, elle ne sait pas quoi faire, et elle a peur. Elle se cache.

Et la prochaine fois qu'elle voit l'académie, ce sont des ruines abandonnées qui l'accueillissent. L'établissement qui l'a sauvée est tombé, et elle n'a rien fait - rien pu faire, peut-être - pour le sauver.

Elle ne mérite plus le nom de reine de la lumière. Elle n'est reine de rien, rien qu'une traitresse, une déserteuse. Alors elle change son nom - autant pour se cacher, car elle a toujours peur, que pour abandonner un nom qu'elle ne méritait pas. Et elle reste seule, isolée, dans un apartement vide, sombre, et travaille à distance ; tout ce qu'elle peut faire, pour gagner assez d'argent pour le loyer, la nourriture, les pilules. Désormais plus que l'ombre d'elle-même.

Mais Entros, ses amis lui manquent. Mais Entros, elle a abandonné ses amis. Elle ne les mérite pas.