Vêtue d’une longue robe noire sans bretelles, tu étais au bar devant un Mojito. Ce n’était pas trop premier, après tout, c’est ton cocktail préféré, donc forcément… Tu avais déjà envoyé un message aux autres pour les prévenir que tu rentrerais tard. C’était souvent le cas de toute façon, que ce soit à cause de ton travail ou de tes envies d’être un peu seule. Bien que tu vivais depuis plus d’un an en colocation, tu n’étais pas encore vraiment habituée à voir autant de gens en permanence.
Plus d’un an. Cela faisait plus d’un an que tu n’avais plus de nouvelles de Sun. Tu l’avais littéralement harcelé de messages qu’il n’a probablement jamais reçu. Et à chaque fois que Lee rentrait de ses expéditions, tu restait éveillée pour l’accueillir, dans l’espoir qu’il ait retrouvé ton ami. Mais bien sûr, à chaque fois tu étais déçue. Tu espérait simplement qu’il soit en vie, priant tous les dieux possibles pour que ce soit le cas. Et si ce n’était pas le cas, tu ne savais pas ce que tu allais faire.
Assez pensé. Tu bois une nouvelle gorgée de ta boisson, puis une deuxième. Pour éloigner les pensées absurdes qui t’avaient traversé l’esprit. Puis, tu allait boire une autre gorgée avant que ton attention soit détournée par des voix qui s’élevaient dans le bar. Une dispute ? Tu te tourna donc vers l’origine du bruit avant de te figer.
Sun ?
Non. Ça ne pouvait pas être lui, si ? Ce n’était pas possible qu’après tout ce temps d’absence, tu le croise ici et maintenant. Alors tu pris ton verre avant de t’approcher de la scène, essayant de mieux voir ce qu’il se passait, essayant de voir si c’était bien lui.
Pas de missions depuis plus d’une semaine, un ennui considérable et surtout, le retour du Sun lunatique. En d’autres termes, la déprime totale. Pourquoi ? Peut-être parce que l’on t’a avoué que tes amis étaient vivants, mais que personne n’a su te donner quoique ce soit pour les contacter ? Ton portable, oui évidemment, pourquoi n’y as-tu pas pensé plus tôt… Ah oui, parce qu’il a brûlé dans les flammes il y a un an. Pendant la fameuse attaque, tu as tout perdu. Et bien que tu aies su trouver refuge, là, tu te sens seul. Et triste. Et ce n’est pas le moment de venir te chercher des noises.
Parce que tu bois. Tu as déjà bien bu. Assis à l’opposé de l’entrée du bar, tu t’es débrouillé pour te retrouver loin de tous ces danseurs, ces ivrognes emplis d’un trop-plein de joie. Désagréable. Tu fronces les sourcils en baladant ton regard vers un vieux couple à quelques mètres de toi. Dégoûté. Quand tu reposes les yeux sur ton cuba libre, pour bien coller à l’ambiance dans ton esprit, tu joues avec ta paille, machinalement. T’as bien fait cent fois le tour des boîtes aux lettres et des quartiers sans jamais rien trouver. Rien, pas une trace. Le néant. Et tu commençais à te demander si l’on ne t’avait pas menti au sujet de leur survie. Cette pensée t’arrache une grimace, et s’ensuit une bousculade.
Un homme, un peu trop ivre, se place sur la chaise à tes côtés, quand bien même il restait une vingtaine de places autour. Agacé, tu lui tends un regard meurtrier.
— ’Scuse, tu peux te barrer ? T’as de la place ailleurs, va coller ton gros pif contre les seins de la cougar, là-bas. Merci bien.
Irrité. Énervé. Enragé. Tant d’émotions que tu connaissais chez toi et qui ne faisait pas bon ménage avec le mot « société ». Mais tu t’en fous. Parce que, de un, tu as bu, et de deux, t’as envie d’être seul. Qu’est-ce qu’il y a de mal à être honnête envers un idiot qui ne sait pas se tenir ? Rien.
Ou du moins, c’est ce que tu penses. Lui en revanche n’apprécie pas ta manière de lui parler. C’est ainsi qu’il te décoche une droite que tu n’aurais jamais vu venir. Et tu laisses échapper un grognement de douleur, ton visage semble s’envoler et tu renverses ton verre en te retenant au bar pour ne pas tomber de ta chaise. C’est qu’il est fort, le bougre.
— ... Ok, non pas de soucis, je vois, t’es comme ça bah écoute… Y’a vraiment aucun problème, je pense même qu’on peut voir pour- commences-tu à dire, taquin, irritant, avant de lui décocher à ton tour le plus gros coup de poing que tu as su mettre jusqu’ici.
Tu essuies du bout de ton pouce le filet de sang qui coule le long de ton menton et tu souris ; le démon est sorti, et il n’est pas prêt de rentrer. Sur tes dents blanches se reflète une lueur rouge, tu parais fou et tu n’en n’as rien à faire. Tu n’as rien à perdre. Ça fait du bien. Ca t’avait manqué. Chez toi, la violence est naturelle quand tu la trouves légitime. C’est mal, mais c’est bien la seule chose que l’on peut qualifier de mauvaise chez toi. Tout le monde a ses défauts, non ?
L’homme tombe de la chaise qu’il avait tenté de dérober près de toi dans un cri de douleur étouffé. Il chancelle en tentant de se relever ; l’alcool ne fait pas bon effet sur lui.
— Bah alors, t’as trop bu ? Attends si tu veux je t'aide à te relever, t’as l’air de galérer là… Tu veux que je t’appelle un taxi ? Non ? Dommage ajoutes-tu en enfonçant ton pied dans son estomac.
L’adrénaline. Chose que tu n’avais pas senti depuis longtemps. Au fond, le chaos est ton élément. Tu te retournes comme pour le laisser seul à son triste sort, et retourner commander un verre étant donné que l’ancien a été brisé - visiblement, personne ne souhaitait te foutre dehors pour le moment. Alors que tu t’approches de ta place, la vision d’une femme te fige. Vous échangez un regard l’espace d’un instant - puisque quelques secondes après, le fameux ivrogne vient t’éclater une bouteille de bière sur la tête et tu t’écroules en hurlant. La main sur le crâne, tu souffres, tu grimaces et tu te retournes vers ton assaillant pour éviter le prochain coup.
« Now and again we try to just stay alive. Maybe we'll turn it around. 'Cause it's not too late, it's nerver too late. »
Au fond, tu le savais. Tu savais que c'était bien Sun. Après tout, il n'avait pas changé physiquement. Mais tu ne pouvais t'empêcher de penser que ce n'était qu'une illusion. Après tout, cela faisait un an que tu espérais de tout cœur le revoir, et maintenant que c'était le cas, c'est comme si ton esprit te jouait un tour. Alors quand l'homme le frappe au visage, tu t'inquiètes, forcément. Mais comme tu n'es pas complètement sûre que ce soit lui, tu ne réagis pas, et puis, c'est un grand garçon non ? Un petit groupe commence à se former autour des deux trouble-fête, et tandis que certains encourageaient cette violence inutile et que d'autres sont choqués, toi, tu restes là, impassible comme toujours.
Tu vois le visage de Sun se métamorphoser. Merde. Il n'avait pas l'air bien. Ce n'était pas tant son désir évident de violence qui te faisait dire ça, non. C'est comme une intuition. Tu pouvais presque dire avec certitude qu'il n'allait pas bien. Et c'est tout ce à quoi tu penses lorsqu'il répond au coup de l'homme par d'autres encore plus violents. Tu détestait ce genre d'atmosphère, et tu détestait encore plus ceux qui encourageaient ça. Mais bien sûr, tu ne laissait rien paraître, observant simplement la scène avec un calme de surface.
Puis, tu croises son regard.
Et là, tout doute est effacé. Tu sais que t'as retrouvé ton ami. Mais avant même de pouvoir ressentir quoi que ce soit, l'homme précédemment à terre vint agresser une nouvelle fois Sun. Par derrière en plus, quel lâche. En voyant cela, tu n'hésite pas avant d'activer ton pouvoir. Tu savais qu'il fallait être prudente, mais ton pouvoir était discret alors ça devrait aller. Et très sincèrement, actuellement tu te foutais pas mal des répercussions que ça aurait plus tard. Tu te concentres donc sur l'homme, et tu profites qu'un mec trop collant commence à se permettre des choses déplacées pour lui mettre une violente droite dans le visage. En faisant ça, l'homme qui avait attaqué Sun vint mettre un coup de poing à quelqu'un d'autre, déclenchant une nouvelle bagarre.
Alors que l'homme que tu avais frappé se remettait à peine de ta réaction, tu te précipites vers Sun, le visage inquiet. Tu t'agenouilles pour être à sa hauteur avant de lui soulever légèrement la tête, comme pour voir si il saignait ou non, puis tu t'exclames :
- Sun ! Tu vas bien ? Essayes de te relever, faut pas rester ici.
C'est vrai qu'en restant là, il y avait plus de chances que vous vous preniez un coup tous les deux qu'autre chose, alors tu t'apprêtes à soutenir ton ami pour l’emmener dans un coin plus calme. Vous verrez le reste après.
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