biiiip, biiiip, biiiip

— Police de Moosbell, bonjour ?

— B-Bonjour j’aimerais signaler des actes de violence au niveau de la rue Napoléon III, devant un bar-tabac…

— Oui madame, on envoie une équipe. Pouvez-vous me décrire les faits ?

— O-Oui alors, il y a trois hommes qui se battent contre un homme aux cheveux courts châtains, ou blonds foncés je ne saurais pas dire d’ici... J’ai parlé avec lui à l’intérieur du bar avant que le conflit commence, il a les yeux verts, oh qu’il est beau jeune homme… Oh vous savez, de mon temps j’aurais bien aimé draguer un si beau méchant garçon ! Il avait une de ces paires de fesses, le grand coquin ! Ahaha. Il a une carrure imposante, vous ne pourrez pas le louper ! Il porte une veste en cuir marron, un jean bleu légèrement troué par endroits - je crois que c’est un effet de… Comment vous appelez-vous ça, vous les jeunes ? De « style » ?

— Oui d’accord, mais décrivez-moi les assaillants s’il vous plaît.

— M-Mais justement, deux hommes parmi le groupe de trois sont déjà à terre, je crois qu’ils sont inconscients, et l’homme que je vous décris est actuellement en train de frapper le visage du troisième, il le tient par la gorge… Il les a mis à terre, tout seul…

— … En un contre trois ? D’accord… La patrouille arrive madame, merci bien. Rentrez chez vous, nous nous en occupons.

— Ah et une seconde monsieur, faites attention, il a un couteau à la main et une arme à feu dans son pantalon…

— … D’accord, merci madame. Mettez-vous à l’abri, au revoir.

— A-Au revoir, mon bon monsieur.

raccroche

Ville de Moosbell
Date du rapport : 16 juin 2012

Infraction prévue et réprimée par les articles : Atteinte volontaire à l'intégrité physique de la personne réprimés par les articles 222-7 et suivants du code pénal.

Je soussigné : Gardien de police municipale J. Smith

CONSTATATION ET FAITS :

Agent de Police Judiciaire Adjoint, dûment agréé et assermenté, en fonction au poste de Police Municipale de Moosbell, vu les articles articles 222-7 et suivants du Code de procédure Pénale, rapportons les faits suivants que nous avons constatés en uniforme et conformément aux ordres reçus :

Arrestation d’un individu, considéré comme le principal instigateur du conflit : Mr. Winchester, à environ 17h50 ce jour, rue Napoléon III.
Homme âgé de 19 ans, de grande taille.
A présenté des signes de résistance lors de l’intervention.

L’individu semble prendre un malin plaisir à répondre aux interrogations de manière ironique ou sarcastique, il refuse cependant de donner des informations pertinentes au sujet du conflit. Il a un fort caractère et n’a visiblement pas peur du ridicule, l’individu apprécie le fait d’attirer l’attention sur lui. Il ne cesse de faire des références à des séries télévisées et des groupes de rock des années 2000, tente de séduire l’avocate à ses côtés et de soudoyer l’agent de sécurité. L’individu a demandé à ce qu’on lui apporte un repas constitué de burgers et de frites après avoir ignoré nos questions, dans un manque total de respect envers les membres du personnel présents lors de l’interrogatoire, tout en prétendant s’ennuyer. Il semblerait que l’individu devienne violent verbalement et physiquement mais qu’il reprenne son sérieux lorsque l’agent aborde le sujet de famille, et plus particulièrement de son frère cadet. Il est impossible de soutirer la moindre information à l’individu et des chaînes sont nécessaires pour le tenir assis sur son siège; dans le cas contraire, il présente une attitude agressive envers les agents de sécurité et tente de s’enfuir, plusieurs agents sont nécessaires pour le maîtriser, sans quoi il pourrait neutraliser quatre de nos agents à lui seul au vu de sa capacité au combat. L’individu est très expressif, il semble confiant et ne s’inquiète pas de sa situation, il enchaîne les blagues de mauvais goût et les allusions sexuelles envers l’avocate qui lui est dédiée; il joue au comique. Il semble résigné à ne pas coopérer, loyal à ses principes. Il a été confisqué une arme à feu et une arme blanche à l’individu.

Devant le bar, présence de trois individus ayant été violentés par le suspect.
Hommes jeunes, de types américains.
Mr. Winchester élude les faits.
Ne semble pas exprimer de regrets ou autres sentiments.
Quelques égratignures visibles sur le corps de Mr. Winchester.

Fait ce jour, samedi 16 juin 2012, à Moosbell.

Le Gardien de police municipale J. Smith.

Document joint : Une vidéo prouvant l’attitude et la volonté de nuire à la tranquillité d’autrui de Mr. Winchester

N° de matricule : 42
Nom : Winchester
Prénom : Ayden
Date de naissance : 11 octobre 1993
Lieu de naissance : Lawrence, Kansas

Pouvoir : Électrokinésie

Apparu à 15 ans selon les documents. Malgré tout, ceux-ci mentionnent « contrôle des ondes électromagnétiques »… Ce doit être une erreur d’impression. Voici le dossier à jour :

La cible a la particularité de pouvoir matérialiser et contrôler l’électricité. Celle-ci ne lui fait par conséquent aucun effet tant qu’il est en mesure de l’arrêter ou la dévier. Toutefois, il ne semble pas correctement contrôler ce don.

Matérialisation
La cible peut faire apparaître des étincelles, éclairs et autres éléments liés à la foudre et ce, de n’importe quelle puissance. Visiblement, celui-ci n’a pas de réelle limite de taille concernant ces éclairs. Il est également capable d’en créer des très fins permettant d’infliger un simple coup de jus ou une électrocution bénigne lorsqu’il entre en contact avec quelqu’un : il peut aussi charger ces personnes d’électricité, comme lorsque l’on frotte un ballon sur un crâne ; lui, néanmoins, en choisit l’intensité. Cette utilisation lui coûte bien plus d’énergie que le simple contrôle de son élément ; cela peut-être exploité comme une faiblesse.

Contrôle
Toute chose provenant d’une source électrique peut être contrôlée par la cible. M. Winchester peut donc dévier, déplacer, amplifier ou réduire n’importe quelle source électrique. Il peut également se charger lui-même depuis ladite source pour ensuite contrôler la trajectoire des éclairs qu’il peut lancer, injecter dans une nouvelle source ou utiliser selon ses envies. L’électricité étant toutefois très imprévisible, il lui est encore difficile de choisir les trajectoires correctes ou bien d’obtenir une intensité volontaire - ceci lui échappe bien souvent.

Note : M. Winchester apprécie particulièrement le fait de pouvoir charger son propre téléphone rien qu’avec le bout de son index. Il trouve visiblement cela très amusant.

La cible ne semble pas souffrir de troubles particuliers engendrés par son pouvoir. Il tente de s’entraîner au maximum et ce, depuis deux ans, pour le parfaire en tous points, chose qui paraît vraisemblablement compliquée pour lui. Lorsqu’il tient ce don sur une trop longue durée, celui-ci se voit subir des douleurs internes plus ou moins fortes selon son niveau d’abus : cela varie entre de simples douleurs crâniennes à de vraies pertes de connaissance doublées d’une perte de la vue et des sens partielle ou totale durant un temps donné.

Mon père était l’un des premiers détenteurs de pouvoirs. Il a découvert le sien à quartorze ans, en 1982. À l’époque, il a été poursuivi par une organisation spéciale, le genre secret, qui cherche à choper les gens avec des pouvoirs. Il a fui à peu près toute sa vie ; il ne pouvait jamais vraiment rester tranquille à un endroit. Excepté quand il a rencontré ma mère, ils ont eu quelques années de répit grâce à leur discrétion. Mais, évidemment, ça n’a pas duré ; ma mère s’est fait tuée dans une fusillade dans le Kansas et mon père est parti, il nous a emmené, mon frère et moi, lui avait tout juste six mois et j’avais quatre ans. Sorti de l’ombre, il a été de nouveau repéré par l’organisation et a dû recommencer à fuir, avec nous à sa charge cette fois. Il nous a donc appris à nous défendre, à nous battre, à utiliser des armes à feu, des armes blanches… Dès huit ans, pour ma part. Pour mon frère, l’entraînement a commencé quand il avait sept ans ; mon père était devenu stressé, pressé, comme s’il pressentait quelque chose. On était baladés de ville en ville un peu partout en Amérique, on n’est jamais vraiment restés assez dans une seule école pour se faire de vrais amis; six mois tout au plus, je dirais. Enfin, j’veux dire, comment on aurait pu ? Le vieux n’avait pas de boulot, on n’était que des gosses, on vivait avec des cartes bancaires piratées et des fausses cartes d’identité pour se protéger de la traque. Mon frère l’a très mal vécu et moi, je me suis simplement calé sur les idéaux de mon père. Putain, j’étais carrément à fond même.

Jusqu’à la découverte de mon pouvoir, j’aimais bien tout ça. C’était compliqué, mais c’était notre vie. C’était pas parfait, c’était juste… c’était déjà ça. Le mien est apparu à mes quinze ans, en 2008. Je n’ai reçu la lettre qu’en 2009, j’ai appris plus tard que l’académie venait tout juste de voir le jour. Mon père n’a pas hésité ; il préférait me savoir en sécurité, loin de lui et de toute la merde qui le suivait. Quitte à me séparer quelques années de mon petit frère. Il n’avait que onze ans quand je suis parti; ça a dû être beaucoup plus dur pour lui que pour moi. Pour moi… C’était la volonté de mon père, c’était la meilleure chose à faire. J’ai toujours été le plus obéissant, alors que lui était celui qui voulait s’affirmer, je n’imagine pas le bordel dans lequel il a dû vivre à mon départ. Donc je suis arrivé à Swish à 16 ans, classé E parce que j’ai jamais eu l’étoffe d’un étudiant, je foutais la merde et passais mon temps dans des placards avec les cheerleaders (ça c’était bien), je captais rien à mon pouvoir - la technologie, sérieux ? j’y connaissais rien - c’est un ami de la famille qui m’a amené ici et il y est resté en tant que médecin - histoire de veiller sur moi et de préparer l’arrivée de mon frère une fois qu’il aurait découvert le sien. Il avait vingt-cinq ans à l’époque, on a dix ans d’écart et pourtant c’est devenu mon meilleur ami. Dès mon arrivée, j’ai fait que tabasser ceux qui se croyaient plus importants que d’autres, c’était mon passe-temps.

Mon frère a découvert son pouvoir le jour de la mort de notre père. Finalement, l’organisation les a rattrapé. Ça a été fatal pour mon père, et mon frère a fui aussi vite qu’il a pu. C’était il y a neuf ans. J’avais dix-huit ans, et lui quatorze. Quand Swish a déterminé l’apparition de son pouvoir, l’ami de la famille, celui qui m’avait moi-même emmené ici, a décidé de les dissuader d’envoyer une quelconque lettre et leur a proposé d’aller le chercher lui-même. C’est ce qu’il a fait, il l’a ramené sain et sauf. Il a lui aussi un pouvoir, plutôt stylé même. On a toujours vécu entouré de ces capacités, c’était normal pour nous. À l’arrivée de mon frère, on n’a pas vraiment fêté nos retrouvailles. On a surtout arrêté de s’adresser la parole, plus ou moins. Je faisais mes conneries et lui, il étudiait. J’ai arrêté les cours quelques mois après son arrivée et j’ai enchaîné les petits boulots à Moosbell : barman, serveur… Juste assez pour pouvoir payer le loyer de mon appartement - que je n’ai finalement pas pu payer, c’était jamais assez. J’ai été viré de l’appart’ vers vingt-deux ans, soit quatre ans plus tard. J’avais plus le choix, je me suis rendu à Swish et j’ai pris un job en tant que surveillant. J’ai été logé à Swish, dans la chambre de mon frère - étrangement. Depuis, on s’est réconciliés, si on peut dire ça comme ça.

J’ai toujours eu du mal avec mon pouvoir. J’y trouvais pas mon compte, à tel point qu’il devenait… invisible. Durant l’attaque de l’académie, ça n’était plus qu’un fardeau. Qu’est-ce que je pouvais faire ? Lancer « We gotta get out of this place » sur les haut-parleurs ? J’ai rien pu faire. Si, j’ai essayé de retenir Artesia, une fille pour laquelle j’en pince depuis des années mais qui n’a jamais vraiment daigné m’accorder assez d’importance pour obtenir une quelconque… relation. Alors qu’elle tentait de foncer dans le tas - chose qui lui aurait été fatale - je l’ai retenue, et elle m’a brûlée. Ça a pris pas mal de temps pour cicatriser, d’ailleurs, elle ne m’a pas raté… Et elle continuait, alors j’ai tenu le coup, je lui ai mis un bon coup de coude derrière la tête histoire de l’assommer et de pouvoir la sortir de ce merdier. Autrement, j’ai aidé quelques personnes par-ci par-là, je me suis pris une balle dans le pied - là, on peut encore voir la cicatrice. Globalement, j’étais inutile.

C’est là que j’ai vu un homme avec une seringue, qui injectait quelque chose à une pauvre fille inconsciente...

flashback

Ayden portait une jeune femme brune sur son dos et courait vers l’une des seules issues possibles, mais un homme énigmatique attira son attention. Un vieil homme aux traits quelque peu dissimulés par la fumée et les cendres qui volaient dans l’air, tout autour de la foule.

— Hey ! Toi là, c’est toi qui a ramené ces mutants ? Tu lui fais quoi, elle a un pouvoir elle. Elle est pas comme tes… choses.

Alors que celui-ci lui affirma que c’était pour son bien, qu’il lui expliqua la raison pour laquelle il s’était décidé à la sauver, Ayden hocha la tête, entre la panique et l’hésitation.

— Ok… Et, dis-moi, ton truc là, c’est sûr ? demanda Ayden, les sourcils froncés et les yeux emplis d’une lueur inconnue.

L’homme hocha la tête, durement.

— D’accord. Fais-le moi aussi. S’il te plaît.

C’était sur un coup de tête. Face à mon incompétence et aux étudiants inertes, j’ai rien pu faire. Rien du tout. Et ça se dit surveillant… Enfin, il m’a injecté ce liquide bizarre. Après la fuite, j’ai dû attendre plus ou moins longtemps pour que les premiers effets apparaissent. Mais j’ai fini par le découvrir : j’avais changé de pouvoir. Et avec celui-ci, si une chose pareille se produit, je déglingue tous ceux qui passent devant moi. Y’en n’a pas un qui touchera à un cheveu de ces pauvres gens. Plus jamais, je le jure.

J’ai rien contre les civils. Si j’ai rejoint la révolution, c’est surtout parce que j’y voyais les plus compétents ; je protègerai les innocents s’il le faut, mais mon but premier est de détruire ce foutu gouvernement. Et crois-moi, j’y arriverai. Ça fait deux ans, maintenant. Je suis devenu électricien et j’essaie de donner un sens à tout ça.