Déjà que la demoiselle ressentait un grand honneur à avoir la chance de se faire peindre, elle n’avait pas pensé un seul instant que Dorian souhaitait lui donner le portrait une fois qu’il serait terminé. Sur le coup, Béatrice resta interloquée, alors que Dorian parlait et grimaçait. Après un moment, la demoiselle bougea légèrement, comme si elle semblait se réveiller, cligna à quelques reprises des yeux et dit d’une petite voix, gênée :

- Oh… Je… Je ne croyais pas que tu voulais me… l’offrir…

Béatrice se sentait encore plus confuse qu’elle ne l’était déjà. L’envie d’aller se terrer très, très loin était grande, impossible à manquer, même pour Dorian. Ses yeux noisette évitaient soigneusement l’artiste. Elle avait les mains moites, des mains qu’elle frottait, dans l’espoir qu’elle arrive à se calmer. Son cœur battait vite et elle se dit qu’elle devait rattraper le coup, tout de suite. Ce fut sans trop réfléchir qu’elle lança :

- Habituellement, les artistes gardent leurs œuvres pour les revendre, des trucs comme ça, alors je n’y ai pas pensé…

Elle espérait de tout cœur que Dorian lui pardonne cette mésentente. Béatrice craignait également de le froisser en disant une telle chose, mais cela venait vraiment de son cœur. Elle avait peur maintenant qu’il change d’avis ou encore qu’il décide de le garder pour lui-même… Après tout, c’était sa création, c’était tout de même son droit, mais Béatrice serait très déçue. Du coup, elle se dit qu’elle devait faire un effort pour poursuivre la conversation et ne pas faire en sorte de mourir de honte. Quoi qu’elle sût qu’elle s’aventurait dans un terrain très, très glissant… Quoi qu’elle fît déjà, depuis le début de leur conversation.  

- Si tu veux… Eum… Je te donne mon numéro de téléphone ? Comme ça… Eum, ce sera plus facile pour se donner rendez-vous. Enfin, tu peux m’appeler ou m’écrire s’il y a un truc, enfin, c’est seulement si tu veux aussi… Je n’ai pas trop l’habitude de donner mon numéro à des gens…

Béatrice eut un petit rire, particulièrement embarrassée. Elle ne voulait nullement l’inciter à faire cela, elle voyait que c’était juste plus pratique pour tous les deux. Après tout, la tête blonde n’avait aucune idée dans quelle classe il était – bien qu’il doive étudier les arts, non ? – ou ce genre d’information. Sinon, ils pourraient tout simplement se rejoindre de nouveau ici, mais elle ignorait si c’était l’endroit qu’il souhaitait pour peintre… Pensant à ça, Béatrice se trouvait un peu idiote et ne savait plus ce qui était le mieux finalement. Elle ne bougea pas pour le moment, attendant la réponse de l’artiste.

Pour cacher son malaise et parce que la question lui brûlait soudainement les lèvres, elle ajouta, particulièrement enthousiaste dans ses interrogations :

- Et… Tu aimes les bonbons ? Le chocolat ? À moins que tu préfères des biscuits ? Je te demande ça, mais c’est un peu idiot comme question, désolée…

Assurément, il ne voudrait plus du tout la peindre après ce genre de questions. Les friandises qui étaient vitales pour Béatrice semblaient être un moyen idéal pour remercier Dorian de la peinture et tout cela… Une offrande en quelque sorte. Cependant, elle trouvait qu’elle l’avait assez embêtée pour aujourd’hui. Elle ajusta son manteau et fit quelques pas vers l’arrière.

- Je devrais te laisser… Je t’ai assez embêtée comme ça…