Nate a la boule au ventre. Il a regardé Lee frapper une femme, tout à l’heure, sans rien pouvoir faire. Il lui en veut, il y a tellement de façons d’endormir une personne… Le coup que Lee avait porté à cette serveuse n’était pas nécessaire. Et Nate le sait. C’est pourquoi il ne lui a pas adressé la parole depuis tout ce temps de préparation ; il se contentait de rester, tout le long, les yeux rivés sur son portable tout en observant discrètement Lee et Artesia au bar, histoire de les surveiller. Nate accepte que l’on récupère des informations, que l’on séquestre des gens et que l’on prenne leur place, mais certainement pas qu’on les violente. Adam, lui, avait trouvé un moyen beaucoup plus calme d’endormir le vigile ; c’était si difficile pour Lee, d’être plus doux ? Il aurait pu la tuer.
Nate fait en sorte de ne jamais croiser le regard du serpent ; il n’en n’a pas l’envie, il veut juste rester seul, pour le moment, même s’il s’est engagé à le surveiller davantage désormais - il ne souhaite pas qu’un étudiant qui passe par là se retrouve à l’hôpital à cause de lui. Ce sont des civils. Tu les protèges, c’est comme ça. À quoi sert un pouvoir, si ce n’est pas à ressembler aux héros des séries télévisées ? Faire le bien, c’est à ça que ça sert. Alors oui, séquestrer des gens n’est pas si « bien » que ça, mais tant que c’est fait en douceur et que c’est pour la bonne cause, il n’y a pas de mal à ça, aux yeux de Nate. Mais Lee a tout gâché, et il n’est pas le seul. Nate préfère même l’idée du sédatif d’Artesia que le coup de poing de Lee… C’est pour dire.
Il bouillonne de l’intérieur, ses joues sont rosées par la rage et il se contente de faire profil bas. C’est l’une des rares fois où l’on peut apercevoir Nate rester calme, presque immobile. Il attend patiemment un indice, quelque part, pour foncer et récupérer des portables - il veut se changer les idées. Nate veut faire ça vite, il veut partir d’ici - honteux de ne pas avoir pu aider à une séquestration plus douce. Il culpabilise, et ça se voit sur son visage ; c’est bien l’un des seuls sentiments qui peut transformer du tout au tout l’expression du jeune D, lui qui, pourtant, ne quitte jamais son sourire.
Son moment se présente. Au fond, près des toilettes pour hommes, une bande de quatre amis semble très attentive face à un portable tourné en mode paysage. Et Nate percute dans l’instant. Il s’approche de la bande, les sourcils froncés, l’air inquiet ; il est temps d’utiliser tous ses talents d’acteur.
— Les gars, faites gaffe, là-bas y’a un mec complètement torché qui dit avoir perdu son portable et il agresse tous les gens qui en ont, j’vous conseille de cacher ça le temps qu’il se barre, il est violent, adresse le jeune blond au groupe de quatre en face de lui, tout en pointant du doigt un homme, bourré et bruyant, qui s’agite à deux mètres d’eux près du bar.
Le propriétaire du portable perd son sourire en un instant et baisse son bras, les quatre individus se retournent d’une traite et commencent à commenter la scène.
— L’est malade ce mec... — Il est défoncé, c’est tout. — Ouais, mais cache, de toute façon il va sûrement se faire gerter dans deux minutes, j’ai pas envie qu’il te pète ton phone... — Ouais t’as raison. dit le propriétaire du téléphone tout en le rangeant dans sa poche avant.
C’est à ce moment que Nate saisit sa chance : il glisse ses doigts sur le téléphone de l’individu tout en commentant la scène à leurs côtés ; il case une ou deux blagues sur l’allure de l’ivrogne et ceux-ci ne détournent pas le regard du spectacle. Il récupère le téléphone et leur souhaite une bonne soirée, chose que le groupe de quatre lui renvoie aimablement, en un regard seulement. Et le voilà déjà loin. Il fait le tour du bar, l’air de rien, le portable dissimulé dans sa poche avant. Une fois arrivé près de ses complices, il prend place à côté d’eux au comptoir et adresse quelques mots à Cassandra, Artesia et Lee qui attendent toujours le bon moment pour agir.
— Les gars, j’ai la vidéo. Regardez, commence-t-il tout en sortant le téléphone de sa poche - il a pris soin de ne pas le verrouiller et de le régler sur « pas de veille ». C’est ça que vous devez trouver. Faites gaffe, j’ai pris ça à un groupe de quatre près des toilettes pour homme, mais le mec n’était peut-être pas le seul à en avoir alors, si vous avez le temps, allez-y. Je peux pas y aller deux fois, ils vont griller, continue-t-il en prenant soin d’éviter au maximum le regard de Lee.
Il hoche la tête l’air de dire « y’a pas de quoi » après quelques remerciements, mais ne relève aucunement les propos du E ; il l’ignore, tout simplement, et se relève avant de passer son chemin. Nate se dirige à présent vers la piste de danse, au cas où l’homme à qui il vient de dérober l’appareil électronique se rende compte de la disparition de son téléphone et se mette à le prendre en chasse. Il se faufile dans la foule, suit le mouvement de la danse frénétique des personnes alcoolisées et se frotte à d’autres, tout en récupérant le maximum de téléphones, ceux dont les propriétaires sont trop distraits par leur danse et leur taux d’alcoolémie pour se rendre compte de quoi que ce soit. La cleptomanie ne lui a jamais autant servi ; il est un voleur professionnel. Au passage, il dérobe quelques babioles qu’il affectionne particulièrement, tels que des broches ou des briquets - il ne fume pas, mais il en aime la couleur. Alors il les garde.
Nate a récupéré quelque part un sac-à-dos presque vide, dans lequel il n’y a plus qu’un paquet de tabac usagé et autres objets inutiles, duquel il a décidé de se servir pour y entreposer tous ses trésors : y compris la quarantaine de téléphones qu’il a su voler durant son périple. À chaque vol, il dépose ledit portable dans son sac, l’air de rien. Il continue sa danse entre les clients, discret, fourbe et pressé de partir d’ici.
Durant toute une heure, il passe son temps à voler le maximum de téléphones et à aider quelques-uns de ses complices lorsqu’il faut distraire certaines victimes ou bien au contraire se faufiler pour les voler, tandis que ceux-ci détournent leur attention. Il aide Selji lorsque celle-ci prend en photo des clients, en passant dans leurs dos et en récoltant le maximum de téléphones possibles avant de s’envoler sans se faire remarquer ; il passe, visage innocent, dans une conversation entre Dorian et Nitesh ainsi que d’autres personnes dans le but de leur subtiliser leurs effets personnels. Nate est le croquemitaine, il est une ombre, presque invisible aux yeux de ses victimes. Durant cette heure, il a dérobé environ une centaine de téléphones à lui tout seul. Il ne lâche pas pour autant du regard Lee et Artesia, vers lesquels il se retourne très souvent, prêt à intervenir en cas de pépin ou simplement pour éviter une quelconque bagarre. Il reste près d’eux, pour être capable de s’infiltrer avec eux dans la minute qui suit le début d’un éventuel conflit.
C’est lorsqu’Esther prend une grande inspiration que l’éclair s’arrête net à la frontière des lèvres de Nate. Un nouveau sourire se dessine et il attend patiemment les mots de sa nouvelle compagne de révisions intensives, persuadé qu’il a enfin réussi sa séance de manipulation. Il faut dire qu’elle n’est pas si difficile que ça ; quand il a compris qu’elle marchait à la bouffe, ça n’était plus qu’une question de temps avant qu’il l’appâte. Il connaît le fonctionnement de la cafétéria par cœur et sait qu’ils gardent toujours quelques réserves pour le lendemain, c’est un jeu d’enfant pour lui.
— Un seul éclair pour des cours supplémentaires laborieux ET en plus réviser ? Tu crois pas que c’est pas super équitable ? Si tu tiens absolument que je participe aux cours, tu offres le goûter… A chaque fois, c’est mon prix. s’empresse-t-elle de lui répondre.
Nate éclate soudainement de rire. Elle n’était vraiment pas dure en affaires, celle-là. Elle ne le connaissait pas assez pour savoir que Nate avait un don de cleptomanie incroyablement étonnant et qu’il pourrait passer sa vie à voler de la nourriture, rien que pour elle, sans jamais s’en lasser. Sa demande revient donc à demander à Nate de lui épeler son propre prénom ; il s’en ravit. Il balance ses bras vers le ciel dans un élan de joie, en signe de victoire.
— Je suis clepto, je t’en donnerai autant que tu veux des goûters, t’aurais pu trouver mieux comme négociation, mais merci du coup j’ai gagné ! il se met à rire de plus belle. Tiens, prends les deux, il lui tend les deux éclairs au chocolat avant de reprendre, ET APRÈS ON COMMENCE L’OPÉRATION STEP UP !
Elle saisit ses éclairs l’air dépitée et Nate ne cesse de s’en délecter ; il rit à gorge déployée. Un dessert dans chaque main, Esther semble regretter son choix : et elle fait bien. Nate n’allait plus la lâcher, elle avait signé un pacte avec un diablotin rusé et fourbe. Tous les deux, ils iraient coûte que coûte à cet examen de passage en grade. Ils rejoindraient tôt ou tard la classe C. Il lève de nouveau les bras au ciel.
— YEEES crie-t-il dans un rire adorable tout en courant en cercle devant Esther.
Il s’arrête net face à elle et se penche en avant puis lui tire la langue. La victoire le rend heureux. Nate s’élance subitement vers elle et la porte telle une princesse dans ses bras : le bras gauche derrière son dos et le bras droit dans le creux de ses genoux. Des étoiles brillent de mille feux dans ses yeux émeraude alors qu’il lui adresse ces mots :
— Même qu’on commence MAINTENANT ! ajoute-t-il tout en éclatant de rire.
Il crée un nouveau portail en face de lui, menant tout droit au parcours - le terrain d’entraînement sur lequel il aurait déjà dû mettre les pieds depuis longtemps. Pas question de perdre du temps ! C’est maintenant ou jamais, et l’intensité de leurs entraînements nécessitent de s’y mettre au plus tôt. Nate est une girouette, il fait tout, tout de suite ; il n’attend pas, car il n’a aucune patience. Surtout quand la hype lui prend la gorge.
Ils traversent le portail et Nate dépose Esther de l’autre côté, pile au milieu du parcours ; il lui adresse un clin d'œil avant de s’écarter de quelques mètres. La tête lui tourne légèrement quand son portail se ferme mais cela n’efface pas pour autant son éternel sourire de satisfaction. Il compte dépasser ses limites aujourd’hui, et pour les prochains jours. Les cours particuliers n’ont qu’à bien se tenir.
Esther s’assoit à son tour sur sa branche, perchée tout là-haut. Nate la regarde avec un sourire éblouissant tandis qu’elle lui parle de son pouvoir et de ses limites. Il l’écoute, bien évidemment, mais semble ne pas croire à ces propos pessimistes. Ses commissures ne cessent de s’étirer alors qu’il la laisse enchaîner ; il hausse les épaules en se frottant l’arrière de la tête à la suite de son « pourquoi », l’air de dire qu’il a juste été idiot de poser la question et, une fois son monologue terminé, il saisit sa chance.
— T’es comme moi, tu manges tout le temps, on est des trous sans fin, ajoute-t-il en riant.
Il enchaîne quelques secondes après en référence à son avis sur son pouvoir ; Nate n’est pas d’accord. Tel qu’il est là, actuellement, son pouvoir peut rencontrer plein de contre-attaques mais ce ne sera pas toujours le cas et Nate ne voit qu’une possibilité d’évolution là-dedans. Il compte le lui faire savoir.
— En tout cas, tu peux dire ce que tu veux, il est vachement trop trop stylé ton pouvoir et je pense qu’avec de l’entraînement, tu diras plus tout ça ! T’es sportive, si en plus tu entraînes ton endurance et ta maîtrise de ton pouvoir, tu vas juste tous les défoncer, tu pourras enchaîner les dashs tellement vite que même en essayant de te contrer ils pourront juste pas te suivre. Tu serais imprenable ! dit-il avec conviction.
Une idée lui passe par la tête. Il se rappelle qu’il devrait peut-être lui montrer à quoi ressemble son pouvoir à son tour, si cela l’intéresse - et il part du principe que c’est le cas, car elle est trop gentille pour ne pas s’y intéresser quelque peu. De plus, la démonstration pourrait lui être utile. Il ne lui laisse pas le temps de répondre, trop excité pour attendre ne serait-ce que quelques microsecondes. Il enchaîne encore, n’ayant que des mots à l’esprit et pas une once de silence :
— À moi de te montrer mon pouvoir ! Regarde, regarde, t’es prête ? lance-t-il tout en se jetant en avant pour descendre de la table et se retrouver sur ses deux pieds.
D’un geste de la main, le bras tendu sur la droite, il fait apparaître un premier portail et lance un clin d'œil à son amie avant de se jeter à l’intérieur. Le premier portail est souvent le plus réussi, alors que les prochains sont complètement ratés. Il a fait apparaître le portail de sortie en plein dans la cuisine de la cafétéria ; il se dirige donc vers les vitrines discrètement et en évitant tous les regards pour en saisir un autre éclair au chocolat - il en restait finalement dans la réserve ! Les fourbes ! Il en prend un second au passage et se dépêche de sortir par le portail, revenant ainsi en face de la jeune D avec un plus gros sourire encore.
Il s’approche d’elle doucement, un regard malicieux dessiné sur le visage. Il est rusé et Esther le sait, mais il est bien plus fourbe qu’elle ne le pense. Bien plus réfléchi, bien plus sûr de lui et surtout, bien trop déterminé. Il n’abandonne pas si facilement, même si l’on peut y croire le temps de quelques instants. Il n’a pas oublié son objectif : passer en C aux côtés de sa nouvelle amie. Et il compte bien obtenir ce qu’il souhaite. Il la regarde donc et s’approche pas à pas d’elle, un sourire en coin.
— Tiens, c’est pour toi ! lui adresse-t-il tout en approchant très légèrement un des éclairs de la main de la jeune femme. Quoique... ajoute-t-il tout en reculant sa main et le dessert avec, ça dépend, tu acceptes de prendre des cours de maîtrise du pouvoir avec moi ? Et de réviser ? Et de passer en C avec moi ? conclut-il dans un rire sincère et affectueux.
Il se délecte ensuite de la tête d’Esther suite à sa déclaration : le mélange entre envie, faim et énervement, ça donne vraiment quelque chose d’inoubliable. Il rit de plus belle tout en rapprochant les deux desserts de son torse, ne lâchant pas son emprise sur ces trésors. Il les agite légèrement avant de continuer :
— Alooors ? Dépêche-toi de choisir, je vais les mangeeer... dit-il tout en approchant le premier éclair de ses lèvres, adressant un léger regard du coin de l’oeil vers Esther.
Nate écoute les paroles de son interlocutrice avec la plus grande déception - la rivale qu’il s’imaginait ne verra pas le jour. Il devra se motiver seul, s’acharner en toute solitude et passer les échelons un par un sans une main dans la sienne. Il fait la moue, la peau de sa joue s’écrasant contre sa paume, il semble dépité. Il est légèrement triste mais préfère se taire et le garder pour lui, il n’est pas du genre à se plaindre. Ses yeux gardent cependant un reste de lueur étincelante dans l’attente de la fameuse démonstration - on n’arrache jamais la jubilation au visage de ce jeune homme. Il acquiesce silencieusement, de plus en plus concentré. Il se redresse soudainement à l’avertissement d’Esther, ne souhaitant pas rater une seule seconde de la scène. Il fronce les sourcils et plonge ses deux mains entre ses cuisses, le dos droit, le menton haut.
— J’suis prêt j’suis prêt ! s’exclame-t-il.
Esther s’étire et s’échauffe telle une vraie sportive, chose qui surprend beaucoup le jeune blond qui lui n’est qu’un amas de chamallows et n’a que sa rapidité innée en guise d’atout. La démonstration commence : Esther se met en place et… disparaît. Nate cligne deux, trois fois des yeux avant de s’étonner.
— HEIN ?! Mais t’es où ?! crie-t-il de surprise tout en se tournant dans tous les sens.
À droite, à gauche, sa tête ne cesse de s’agiter et il n’arrive pourtant pas à retrouver la flèche qu’il a perdu du regard. Il était sûr qu’il arriverait à suivre mais elle a finalement été bien plus rapide que la lumière. C’était effectivement l’équivalent d’une sorte de téléportation. C’est quand il perçoit de nouveau la voix d’Esther qu’il lève les yeux au ciel, posant son regard sur l’une des branches d’un des seuls arbres entourant la place. Un gigantesque sourire, bien plus blanc et luisant que les précédents, rejoint les commissures de l’étonné. Il s’extasie devant elle.
— WOOOOOH C’EST TROP BIEN ! T’as disparu d’un coup et paf t’es là, mais c’est trop bien ! C’est TROP bien ! dit-il, les yeux emplis d’étoiles. Donne-le-moi. ajoute-t-il à la suite, d’un air bien plus sérieux pour l’effet comique.
Il se lève brusquement avant de monter sur la table et de faire quelques pas, puis s'assoit en tailleur en face de l’arbre sur lequel Esther était posée. Il la fixe, toujours aussi impressionné. Elle est là, debout sur une branche, se tient au tronc de l’arbre pour ne pas tomber et Nate la dévisage encore.
— Toi au moins, personne te suit ! Quand je fais un portail, la personne que je fuis peut toujours m’attraper, je disparais pas comme toi, la chance… continue-t-il avant de reprendre, l’air pensif, mais attends, tu descends comment du coup là ? Tu peux recommencer sans trop te fatiguer toi ?.
Nate songe à créer un portail pour l’aider à descendre en cas de besoin, mais il préfère qu’elle propose une autre solution - peut-être qu’elle peut véritablement recommencer sans crainte et que l’aide du blondinet est en effet inutile. Quand bien même, ça l’arrange : un portail créé revient à une possibilité de tuer son amie. À moins d’un coup de chance, le portail de sortie peut très bien se manifester à quelques mètres de haut au-dessus du sol ; ou bien pire, autre part.
Entre les conneries de Lee et la tête d’Artesia, Nate comprend rapidement qu’il va devoir jouer au babysitter. Il n’a pas le choix ; ils sont bien trop désintéressés pour ne pas faire foirer l’intégralité du plan. Il ne compte pas les lâcher d’une semelle. Il relève la tête vers Lee quand celui-ci parle de violence et lui jette un regard assassin.
— TU VAS RIEN BRISER DU TOUT TOI ! lui crie-t-il.
Alors qu’il prône son innocence, Nate lève un sourcil, ne le quittant pas du regard. Lui, ne pas en prendre trop ?
— Mais oui, bien sûr. dit-il dans sa barbe d’une voix monotone ; bien qu’il n’ait pas de barbe.
Artesia ajoute quelques mots qui l’inquiètent beaucoup. Au mot « sédatif », Nate tourne brusquement la tête vers la jeune femme alors que ses yeux lui tombent de la tête. Cette fille est définitivement une grande malade. Il garde le silence, bien trop perturbé par les idées de la dangereuse perche. Bien pire que Karna qui se mutile pour se battre ; un vrai masochiste ce mec, aussi.
Celui qui n’a qu’une envie : tabasser le premier pauvre innocent qui passe devant lui, et celle qui ne pense qu’à droguer la totalité de la boîte de nuit. Il garde en tête son deuxième rôle : surveillant. La nuit n’allait pas être facile.
À l’arrivée d’Adam, Nate est entièrement rassuré. S’il y a bien quelqu’un de fiable ici, c’est lui. Il acquiesce à l’écoute du plan et se met en place en même temps que le reste de la SPS : cachés derrière le mur de la gauche de la ruelle alors qu’Adam fait le tour du bâtiment pour faire son entrée depuis le côté droit et attirer le vigile jusqu’à une autre rue. Il attend le signal avec impatience ; son chat bat la chamade.
Ce que dit Esther n’est pas faux. S’il souhaite passer de classe, il lui faut redoubler d’effort et se concentrer uniquement sur ses cours - pas comme ce qu’il avait l’habitude de faire en jouant nuit et jour. Mais cela ne l’effraie pas, bien au contraire. Il est de ceux qui savent mettre en avant les priorités lorsqu’il le faut. Ce n’est pas un problème pour lui s’il doit dès à présent réviser dix heures par jour plutôt que de passer son temps sur les jeux vidéo. Mais quelque chose semble perturber sa nouvelle conquê- amie. Nate fronce les sourcils, tentant de mettre la main sur ce qui pouvait lui donner un air si pessimiste. Il n’a pas le temps de le lui faire remarquer, celle-ci enchaîne tout en plaçant son menton dans le creux de sa main. À l’écoute de l’explication de son pouvoir, le visage du jeune homme s’éblouit de nouveau et un sourire se dessine aux bouts de ses lèvres, grandissant. Esther lui demande de lui expliquer son propre pouvoir, il s’exécute dans l’instant; mais Nate n’a pas perdu le fil de la conversation : Esther est perturbée et semble avoir besoin d’un petit coup de boost. Il est temps pour un petit monologue.
— Moi j’peux créer des portails. Quand je passe dans l’un, ça me fait sortir de l’autre. C’est comme toi, une sorte de téléportation mais pas vraiment; ils peuvent me servir pour faire passer des gens ou des objets - c’est un peu comme un passage dans l’espace, ça crée comme une sorte de tunnel… Mais comme toi, au bout de trois, je tombe dans les pommes ou dans le coma. Et des fois quand je rêve la nuit, je me téléporte à l’endroit du rêve et je me réveille en pleine nature…
Il s’affale et imite Esther, il pose son menton sur ses deux paumes, les coudes appuyés contre la table. Il se penche vers elle, un sourire toujours plus grand. Il est temps de lui faire comprendre que la classe D n’est pas un reflet de ses capacités, mais juste une motivation supplémentaire pour se fixer des objectifs bien plus hauts. Elle a la chance de pouvoir s’améliorer, contrairement aux A qui doivent bien s’ennuyer, à stagner comme ça, sans avoir besoin de faire un quelconque effort. Nate préfère le challenge, les défis, la compétition. Il aime devoir se surpasser, et surtout si quelqu’un l’accompagne. C’est ce qu’il souhaite avec Esther, désormais; à la voir comme ça, il n’a qu’une envie : lui partager un peu de sa propre étincelle.
— Mais toi, il est trop bien ton pouvoir ! C’est trop stylé ! Genre t’arrives et tu peux disparaître instantanément, en l’air, à droite, à gauche, c’est méga pratique… La chance, ça doit être impressionnant à voir. Tu veux pas me montrer ? Et pourquoi tu dis ça comme ça, t’as l’air triste ! C’est pas grave si tu peux pas le faire trop, moi aussi au bout de trois fois je peux carrément tomber dans le coma, ça craint, mais ton pouvoir reste stylé, imagine quand tu le maîtriseras mieux !
Il marque une très légère pause, l'œil levé vers le ciel, il réfléchit. Il doit trouver un moyen de motiver Esther, quel qu’il soit, et quoi qu’il arrive. Cela lui fend le cœur, voir quelqu’un qui n’a pas d’objectif, pas de volonté d’évolution. Il aimerait la voir motivée, souriante, pressée, amusée. Tant d’émotions à la fois, et il aimerait les voir briller une par une sur son joli visage. Peut-être que si elle avait quelqu’un pour la pousser en ce sens, lui donner une raison de se battre, ça serait plus facile - et peut-être jouerait-elle le jeu. Si Nate arrive à faire ça, il pourrait changer sa vie; il aime aider les gens, surtout quand ceux-ci ne semblent pas en vouloir. Nate n’est pas seulement là pour épauler les personnes qui vivent des moments difficiles, il est là pour leur en créer des meilleurs. S’il ne donne pas du sien, s’il ne leur donne pas d’idées - car il en a, des idées, à foison même - il ne sert à rien !
Ok j’ai une idée. Tu viens prendre des cours particuliers de maîtrise du pouvoir avec moi, et on s’entraîne de notre côté, ça te dit ? Et on fait nos révisions ensemble, et on essaie de monter en classe tous les deux ! Ça pourrait être vraiment trop drôle. Ce serait une sorte de compétition tout en étant un partage et une entraide. Et ça t'enlèvera cette bouille triste quand tu parles de ce que tu peux faire et tu verras que tu peux être bien plus que ce que tu crois. Je le vois sur ta tête hein, faut pas se contenter d’être en D, ça te reflète pas ! Ça te donne juste une raison de te dépasser, comme moi. Et si t’as pas envie, bah motive-toi, ça te fera quelque chose à atteindre, c’est toujours plus drôle que d’attendre que ça passe tout seul ! Tout le monde peut le faire, toi y compris, et si on y arrive tous les deux tu seras vraiment fière de toi. Alors viens, on fait ça ensemble. J’en serai très heureux, perso.
Nate, quand il a une idée en tête, on ne la lui retire pas de sitôt. Voire pas du tout. C’est un cul-de-sac pour la jeune femme, elle n’aura d’autre choix que d’accepter si elle souhaite empêcher le blond de continuer à s’acharner.
Nate et Lee traînent ensemble depuis un petit moment déjà, comme ça, de temps en temps. Ils s’énervent mutuellement mais ils s’aiment bien, au fond. Ce qu’il aime particulièrement Nate, c’est l’attitude de Lee et sa simplicité; ainsi que le fait qu’il soit plus fort que lui à certains jeux qu’ils ont en commun. Il lui donne des conseils contre des sucreries, et ça, c’est le top. Les yeux rivés sur le portable de Lee, les deux jeunes hommes discutaient et tout se passait pour le mieux, jusqu’à l’arrivée de trois classés E.
Agités, ils répétaient qu’un C les avait insultés et qu’il avait dit d’autres choses plus ignobles les unes que les autres. Nate, familier avec la ruse et tous ses procédés y compris le mensonge, comprend bien évidemment qu’ils ne font qu’exagérer les propos de ce fameux personnage. Et ça ne risque pas de plaire à Lee dans tous les cas, même s’il doit être au courant que les propos sont modifiés. Et quand Lee ça lui plaît pas, il tape. Et ça, Nate peut pas laisser faire.
— Il est où ? Nate, on se retrouve plus tard je dois aller m'occuper de ce type.
Ah.
— Non, attends ! Tu vas juste lui parler, hein ? Attends ! et tout en parlant Nate suit Lee à la trace.
Nate continue de lui poser une multitude de questions sans s’arrêter, il court après Lee tout en essayant de le raisonner mais celui-ci n’écoute plus rien. Mais Lee marche bien trop vite pour lui, avec la longueur de ses jambes Nate doit bien faire une dizaine de pas pour en rattraper deux de lui. Il court encore, tentant de taper son meilleur sprint pour se mettre en face de lui et agiter les bras.
— Arrête toiiiii ! Tu le tapes pas hein ? Calme-toi !! Allô ? Allôôô ? lui crie-t-il, acharné et déterminé.
Ça ne se passera pas comme ça. S’il lève la main sur ce fameux Danny, quoiqu’il arrive Nate lui barrera la route du haut de son mètre soixante-treize. Il n’a pas le choix, il est comme ça. Il ne supporte pas de voir deux personnes en venir aux mains, sauf dans le cas d’une compétition ou de nourriture; là, il peut comprendre. Jusqu’à la cafétéria, Nate le suit au pas de course, il s’essouffle. Lee prend de la vitesse et commence à le distancer de plus en plus, et là, il panique.
Nate aperçoit Danny, et bien pire, Lee qui s’élance vers celui-ci. Il lui écrase le derrière du genou de son pied.
— LEE ! ARRÊTE ! crie Nate, la rage et la peur à la gorge.
Il ne supportait pas que quelqu’un se fasse violenter devant lui. Nate se fout généralement de la raison pour laquelle une personne en veut à une autre, tout ce qu’il sait c’est que les choses se règlent sûrement mieux par les mots et la communication. C’est ce qu’il prône, c’est sa valeur. Il comprend la position de Lee, le protecteur, le papa des E, qui ne cherche qu’à se venger du mal que l’on a fait à ses protégés; mais ce n’est pas une raison. La seule raison pour laquelle Nate pourrait en venir aux mains serait pour protéger quelqu’un qui lui-même se fait attaquer; comme là. Mais Nate ne s’en prendra jamais à Lee, il l’apprécie bien trop pour ça. C’est aussi la raison pour laquelle il ne souhaite pas le voir se battre, ça lui fend le cœur. S’il se bat, c’est qu’il ne va pas bien. Et ça, Nate ne peut pas le supporter.
Lee attrape la chevelure de Danny entre ses doigts. Le jeune D continue sa course et la termine aux côtés des deux autres. Il saisit le bras de l’attaquant de toutes ses forces, l’empêchant de tirer davantage; c’est pour son bien.
— Écoute-moi, arrête ! Ça sert à rien, calme-toi ! dit-il d’une voix tremblotante.
Nate pose son regard sur Danny d’un air inquiet, celui-ci semble vraiment avoir mal. Ses yeux dérivent vers Lee, qui lui a une haine imprimée directement sur le visage; il ne l’avait jamais vu ainsi. Il est inquiet.
Ils se dirigent vers la sortie de la chambre et une fois dehors Lee vole une barre de céréales à Nate. Celui-ci le regard avec une moue boudeuse, triste d’avoir perdu l’un de ses précieux biscuits, mais ne dit rien; il faut partager, et ça, Nate le sait - du moins, quand il lui reste environ une centaine de gâteaux dans ses poches. Si ça avait été le dernier, Lee n’aurait de toute façon plus aucun doigt sur les mains. Malgré tout, Lee lui tient un sermon, histoire de garder la tête haute et de ne pas faillir à sa réputation. Nate ne comptait pas tout garder pour lui, cependant. Et ce que dit le grand brun n’est pas pertinent.
— Tu sais, j’en ai pris autant pour nous deux, et si tu avais fait ça dans ma chambre, ça aurait été tes provisions dans tous les cas… Ou alors je serais parti en voler à la cafétéria pour refaire le plein. Je suis pas contre le fait que tu manges mes trucs, tant que j’ai pu en manger avant aussi ! Oh et, tu sais, quelque fois je vais voler à la cafétéria pour te remettre ce que je t’ai volé dans ton placard. Des fois, j’ai la flemme d’aller jusque là-bas pour prendre un en-cas, alors je vais directement dans ton placard, mais après je m’en veux et je vais récupérer des trucs à la cafét’ pour toi.
Il aime beaucoup Lee, Nate. Oui, il lui vole plein de trucs, mais jamais sans les rendre ! Il n’y a que de rares fois que celui-ci a choppé dans ce placard sans le remplir derrière. Il n’avait pas osé lui dire, parce qu’il ne pensait pas que c’était pertinent, mais au vu de sa réaction, il n’a pas pu s’empêcher. Le trajet jusqu’à la salle des caméras de surveillance se fait pourtant en silence. Un air triste apparaît sur le visage du jeune blond. D’après sa remarque, Nate a l’impression que Lee ne le connaît pas si bien que ça. Ce qui est normal, après tout ils n’étaient pas non plus du genre à parler tous les jours ou avec beaucoup d’honnêteté avant aujourd’hui. Mais ce qui le blesse légèrement, c’est le fait qu’il le croit capable de lui en vouloir si celui-ci plongeait dans son propre placard de nourriture. Ce placard est un “au cas où”, pour lui, il ne refusera jamais que quelqu’un y mette la patte; sauf s’il en a besoin car il a vraiment très, très faim. C’est la faim qui lui retire l’envie de partager la nourriture. Quand il a déjà mangé, c’est le premier à vouloir partager tout ce qu’il a; rien ne vaut la sensation de partager un repas avec quelqu’un d’autre : les douceurs sur leurs palets respectifs leur offre un moment de complicité, du moins aux yeux du blondinet. C’est un moment agréable. Il adorerait partager des nouveautés gustatives auprès de Lee.
Il baisse la tête et avance silencieusement, à l’image de son ami. La salle se rapproche et alors qu’il n’est plus qu’à quelques pas, il se redresse et récupère un sourire : pourquoi se laisser abattre ? Ce n’est rien; Lee ne le connaît pas tout à fait bien pour le moment, mais ça viendra. Tout viendra, chaque chose en son temps. Nate a le sentiment que les deux personnages allaient bientôt se rapprocher davantage, et que cela n’allait pas s’arrêter de sitôt; bien au contraire. Il n’avait plus qu’une hâte : d’y être. Alors pourquoi tirer la gueule ?
Il s’élance vers la porte et saisit son outil de crochetage de sa poche pleine de biscuits. Il en a toujours un sur lui, toujours. Il tente d’ouvrir la serrure, mais en vain. La serrure avait très certainement été vue dans ce but. Il se tourne alors vers Lee.
— J’y arrive pas, je vais devoir nous téléporter ! J’ai besoin que tu me décrives la salle, parce que j’l’ai jamais vu. Je peux pas me téléporter dans un endroit inconnu, il me faut une description, une photo si tu as… N’importe quoi ferait l’affaire. lui demande-t-il.
La semaine avait été mouvementée pour Nate, entre les cours auxquels il tentait d’assister et les réveils en pleine nature, c’était compliqué de rester éveillé et sain d’esprit. Mais une chose l’avait tenu en forme : l’idée de partir à l’aventure, en mission infiltration. Mission infiltration ! Que demander de plus ? Il adore ce genre de choses, même si cela voulait dire séquestrer des gens. Il n’a pas la force pour le faire mais il se portera volontaire pour aider; il ne blessera personne, sauf si on s’en prend à lui. Il est persuadé de pouvoir faire les choses en douceur et bâillonner quelqu’un avec un sourire rassurant ne doit pas être si compliqué à faire, si ?
Il se dirige vers le Vortex accompagné de Lux et quelques autres personnes. D’un pas assuré, il ouvre la marche, le sourire aux lèvres. Un vrai enfant qui part en vadrouille et qui n’a qu’une hâte : trouver le coffre au trésor indiqué sur la carte ! Bien qu’il n’y avait ni trésor, ni carte, Nate était déjà tout excité. On ne comprend pas facilement ce jeune blond : toujours positif, quoi qu’il arrive, et ce, même si une séquestration se profile ! Franchement, irrécupérable.
Il n’est pas tout à fait vingt-deux heures trente mais l’aiguille s’en rapproche et il se met à sautiller sur place. L’impatience est une vertue, chez lui. Du moins, c’est ce qu’il se dit. Il dévisage chaque personne présente d’un air ravi.
— Nymphali, tu pourrais t’occuper de nous aider avec ta lumière là ? Pour les éblouir, les aveugler ou je sais pas quoi, comme ça on pourrait s’en occuper sans avoir à trop les violenter non ? Espeon aussi, il pourrait faire en sorte de les empêcher de s’énerver et de les forcer à rester calmes malgré le fait qu’on les ligote ? Puis, Capumain pourrait dessiner un cadenas sur le placard à balai !
Les idées fusaient dans la tête du D. Le goût de l’aventure faisait de lui un Sherlock Holmes en chair et en os.
— Et si tu peux crocheter la serrure, autant skip les clés, on aura moins de chance de se faire attraper...
Nate regarde fixement Lee, l’air choqué. La fatigue lui faisait dire des âneries, et Lee venait tout juste de le lui faire réaliser. Il s’absente mentalement quelques secondes et arbore un air imbécile. C’était une révélation pour lui. Pourquoi crocheter une serrure pour récupérer les clés d’une autre serrure alors qu’il pouvait simplement crocheter la seconde ? Trop smart, ce Lee. Et Nate aime penser à des choses compliquées, ou du moins, il le fait par réflexe. À trop se croire dans un film d’action, il finit par se créer des scènes improbables et bien trop longues. Il s’imaginait déjà, sur la musique de Mission Impossible, crocheter cette serrure rien que pour avoir la satisfaction d’avoir récupéré des clés interdites aux élèves.
— J’avouuuuuuuuuuuuuuuuuuuue...
Il écoute la suite du monologue du brun, toujours légèrement choqué de sa propre débilité. Son âme, ainsi que son cerveau, semblaient avoir pris quelques vacances en amoureux aux Bahamas. Il avait simplement l’air d’un mannequin, immobile, sa propre bêtise l’avait paralysé. Le mot « gâteaux » le réveille instantanément et, alors que Lee continue de parler, il n’écoute déjà plus un mot de ce qu’il raconte. Il s’est élancé vers la cachette à provisions de Lee, tel un écureuil volant en recherche de noix. Il fouille déjà le placard de ses mains fourbes de cleptomane en chef. Il saisit une barre de céréales, une brioche aux pépites de chocolat - sa préférée -, des petits écoliers, quelques granolas suivis d’une madeleine fourrée au chocolat et d’une tartelette à la framboise. Il porte le tout à l’aide de ses bras et se retourne vers le E. Nate peine à tout garder en ordre et la moitié de ses trésors tombe à terre. Il se baisse dans le but d’en ramasser quelques-uns et en fait tomber d’autres dans la foulée, qu’il essaie de ramasser à nouveau, tout en faisant tomber quelques autres biscuits. Il soupire, s’agite et sautille sur place, sur les nerfs.
— MAIS RESTEZ LÀ ! ARRÊTEZ DE TOMBER !
Il soupire et tente de tout lâcher d’un coup pour enfin tout récupérer. Voilà. Là, tout tient. Cependant, il semble vouloir garder l’intégralité des gâteaux pour lui; n’ayant pas entendu la fin de la phrase de Lee. Sa mémoire s’était arrêtée à « gâteaux », simplement. Mais le géant vient piquer la brioche aux pépites de chocolat de son tas de sucreries. Les bras et les mains occupés, Nate ne pouvait pas lui faire mordre la poussière pour son geste impardonnable. Sa brioche. Sa préférée. Sa briochée pré-fé-rée. Il était en train de la bouffer, sans aucune pression, devant lui. L’ennemi donne ensuite le sachet, vide, bien évidemment, à Nate. Son visage s’assombrit drastiquement. Une envie de meurtre soudaine traverse ses veines.
Avant de lui hurler dessus, Nate jette un œil au placard de nourriture. Une seconde brioche s’y trouve. Il se décide à la prendre tant bien que mal, étirant le plus possible le bout de ses doigts jusqu’à son trésor avant de le saisir. Mission accomplie. La brioche est maintenant sienne. Il pardonne Lee, sans même lui avoir dit qu’il lui avait fait la gueule. Après tout, c’est arrangé.
Lee marque un second point. Au lieu de crocheter la porte, utiliser un portail ? Et là, Nate fait le lien. Nate + pouvoir = téléportation. Son visage s’illumine sous le second choc que venait de lui faire le prétendu sans-cervelle. Finalement, peut-être bien que le blondinet est celui qui en a le moins, du moins, aujourd’hui.
— J’avouuuuuuuuuuuuuuuuuuuue...
Lee est vraiment trop intelligent, aujourd’hui.
— C’est parti !
— Alleeeez ! J’pars en aventure avec toi, jsuis trop content ça va vraiment être trop trop bien, allez gogogo.
Le rouge lui monte aux joues une nouvelle fois mais il sourit tout de même. Il le pensait. Il était tout excité à l’idée de partir à l’aventure après une multitude de nuits passées à chercher le sommeil, en vain, et de journées pleines de jeux vidéo. Sa vie sociale ces dernières semaines se résumait au néant. Alors, même si c’est Lee, il compte bien en profiter. Et puis, il l’aime beaucoup, il ne le dira juste jamais.
— J’t’aime trop Lee, t’es trop fort, t’as plein de trucs sur tout le monde et avec toi on peut faire des trucs de dingues !
Là, le pivoine remplace les joues du jeune blond alors qu’il tente de cacher son visage avec la tonne de biscuits dans ses bras. L’embarras prend le contrôle et avant même que Lee ne puisse rétorquer, il s’agite :
— Bon bah, j’te suis… Allez on y va là !!
Il tente peu à peu de ranger ses biscuits dans quelques-unes de ses poches et parvient à y mettre la presque totalité dans son jean. Résultat : des poches de pantalon en forme de joues de hamster. Mais ça en valait la peine ! Au moins, ils ne mourraient pas de faim aujourd’hui !
— Ah bon ? Toi aussi t’es en D ? Pourtant on ne s’est jamais croisé, si ? Enfin bref … Moi c’est Esther ! Tant que tu ne me refais pas une scène de ce genre, considère que tu as une partenaire de dégustation !
Une D qu’il n’a jamais croisée ? Ce n’est pas si surprenant. Entre ses retards en cours, ses jours de sèche et ses siestes, c’est assez difficile de porter attention à ceux qui l’entourent. Esther semble avoir son âge, il en conclut qu’elle est très certainement dans la même année que lui; encore une fois, ce n’est pas étonnant, même s’il est censé la croiser à chaque cours, il ne se rappelle pas du dernier cours auquel il a assisté. Une révélation le frappe : il ne va vraiment pas beaucoup en cours. Il serait peut-être temps de changer la donne.
— Encore désolé pour ça, t’en fais pas je recommencerai pas ! Et on ne s’est sûrement pas croisés, ou j’m’en rappelle pas, je fais que sécher ou dormir en cours alors pour me rappeler des gens, c’est chaud… Faudrait que je sois plus sérieux sur ça, j’crois, il accompagne la fin de sa phrase d’un léger rire, les yeux levés au ciel.
Il le faudrait, sûrement. Intérieurement, il se convainc de ne plus rater un seul cours pour le mois prochain. Ce serait dommage de finir en E, et son pouvoir commence légèrement à lui rendre la vie dure. Il songe à travailler, réviser durement dans les prochains jours et peut-être demander à un ami de l’aider à s’entraîner. Trois portails, c’est peu, il projette d’améliorer sa technique et sa maîtrise au maximum. Sa nouvelle amie se met à croquer dans une moitié d’éclair au chocolat et Nate écarquille les yeux.
Dans un élan d’hyperactivité, il saisit son bout d’éclair et croque grossièrement dedans. Les joues en hamster, son visage paraît euphorique, apaisé. Un grognement de plaisir se fait entendre et il laisse échapper quelques mots tout en mâchant, c’est incompréhensible. Il essaie tout de même d’articuler et adresse à Esther :
— Ch’est shuper bon. Ch’adore ! Le crumble aushi est bien mais celui-là ch’est mon préféré… Waaah, ch’est bon.
Il continue de mâcher, profitant de ce délicieux et onctueux met. C’est exactement ce qu’il lui fallait. Un gourmand au palet avide de douceur. Il continue tout de même à songer à reprendre les cours; même le goût d’un parfait dessert ne saurait lui faire oublier sa prise de conscience. Les cours, c’est le plus important ici. Bien que la flemme soit un problème chez lui, il fallait reprendre de bonnes habitudes; il était parti à Swish avec pour objectif de s’améliorer et de ne plus crouler sous la fatigue. De plus, il ne cesse de se réveiller en pleine nature ces derniers temps, ça devient très problématique. Il termine sa bouchée avant de lancer un sujet.
— Maintenant que j’y pense, si je t’ai pas croisé depuis tout ce temps c’est quand même abusé… j’ai trop séché. En plus à la base, je voulais m’améliorer… J’aimerais passer de classe le plus tôt possible, même si j’aime beaucoup la D, je me suis fixé ça comme objectif sinon je me motive pas ! Enfin du coup, même avec un objectif je bouge pas de mon lit... Alors t’imagines sans ? Bon. C’est fini les conneries, je vais arrêter de sécher ça va plus là… Et je vais m’entraîner pour mon pouvoir, il me pourrit le sommeil… Toi c’est quoi ton pouvoir Esther ?
Nate est de nature bavarde. Il enchaîne, encore et encore, sans une seule respiration, mais ça lui va très bien comme ça. Il aime parler, il est plein d’énergie et ne cesse de s’agiter dans tous les sens. Il apprécie Esther, ça se ressent à sa façon d’être : bien qu’il soit naturel envers tout le monde, il a visiblement plus de facilité avec elle. Et c’est une bonne chose. Elle vient tout de même de lui faire réaliser que c’est un grand branleur ! C’est un pas en avant !
Elle accepte finalement son offrande, et le tout dans un sourire. Mission réussie pour le jeune blond ! Ses joues rougissent davantage alors que sa risette éclate au grand jour, il est heureux; heureux qu’elle ait accepté ses excuses, et d’autant plus heureux de l’avoir vu sourire. Il caresse le derrière de sa chevelure de sa main gauche par réflexe, gêné. Fait-il si pitié que ça avec sa tête d’ange ? Visiblement, oui.
Il la seconde alors qu’elle se dirige vers la table de pique-nique et s'assoit à ses côtés. Elle coupe son dessert devant ses yeux ébahis et, à sa grande surprise, cet élan de bonté lui est en réalité destiné. Il l’écoute, mais pas totalement, trop concentré sur le dessert qu’elle lui tend. Un million d’étincelles éclatent dans ses pupilles lumineuses, pupilles dans lesquelles se reflètent la silhouette de l’inconnue à travers les quelques larmes qui lui sont montées. Un ange tombé du ciel. Le cœur battant, il n’en croit pas ses yeux et la dévisage, un sourire figé sur ses lèvres roses. C’est pour moi ? pense-t-il. Cupidon a tiré sa flèche et celle-ci a trouvé son chemin vers le myocarde du jeune homme. Un amour naissant se profile dans son âme à présent, un coup de foudre lui fait perdre la mémoire. Qui est-il ? Que fait-il ici ? A-t-il un nom ? Pour lui, à présent, rien ne compte davantage que son ange gardien, celui dont il peut contempler la beauté, devant lui.
Je t’adore. Je t’adore déjà.
— V-Vraiment ? C’est pour moi ? dit-il enfin, trop ému pour formuler une phrase plus mature. J’adore ça… Merci, c’est super gentil ! lance-t-il à la suite de sa première réplique.
Il saisit de joie son trésor et remercie une nouvelle fois sa marraine la Fée. Ou bien est-elle une déesse ? Une nymphe ? Il n’en sait trop rien. Il sourit, simplement. Son âme sœur vient tout juste de lui adresser la parole, il ne peut rien espérer de plus. Il peut mourir heureux, désormais.
Sans hésitation, il croque dans sa moitié de crumble aux fruits rouges. Tout met, quel qu’il soit, a le goût de l’extase une fois enfourné sous sa langue avide de nouvelles découvertes. Il émet un son de satisfaction, ses yeux clos partagent un sentiment d’euphorie. À ce moment, il ressemble à un enfant auquel on aurait donné un poney; le rêve de toute une vie de gosse. Une fois la première bouchée assimilée, il s’adresse de nouveau à sa nouvelle amie.
— Moi c’est Nate ! dit-il d’un ton enjoué. J’suis un D, et un gros gourmand comme tu peux le voir, on va forcément bien s’entendre !
Sa dernière réplique lui arrache un rire sincère qui vient contaminer la douce inconnue à ses côtés. Comme toujours, la bonne humeur de ce rayon de soleil se propage aussi vite qu’une épidémie, de tous les côtés. S’il y avait davantage de personnes positives et aussi enthousiastes, douces et agréables que ce jeune homme, le monde n’en deviendrait que meilleur.
Une voix retentit dans le dos du jeune blond, une plainte, un hurlement. Nate laisse échapper un cri de terreur alors qu’il sursaute soudainement, la surprise lui fait lever les bras brièvement et son plateau fait un bond. L’éclair ne semble pourtant pas avoir été touché par cette action - Nate reprend peu à peu ses esprits lorsqu’il voit que celui-ci est sain et sauf, mais son cœur bat la chamade, il peine à retrouver un peu d’air. Il se tourne ensuite vers la source de ce vacarme. La furie est de retour, pour lui jouer un mauvais tour… Il écarquille les yeux. Visiblement, la folle n’est pas assez perspicace pour comprendre que, si cet éclair est coupé en deux, c’est bel et bien car il comptait se racheter, avant qu’elle pète un plomb et manque de le tuer. Dans un élan de colère, Nate lui adresse quelques mots.
— T’es complètement folle, j’ai failli faire une crise cardiaque ! crie-t-il d'un ton offensé.
Elle se laisse tomber à un siège d’écart, dépitée. À ses mots, Nate devine un mélange entre la culpabilité et la colère. Bien que le fait qu’elle soit hors d’elle à cause de la séparation de l’éclair soit clairement une excuse pour ne pas avoir à s’excuser, le jeune blond ressent chez elle une once de bonté. Son visage s’apaise, il reprend son souffle et expire un bon coup, histoire de ne pas mourir d’hyperventilation. Ce ton emplit d’insécurité lui arrache un sourire, qu’il adresse généreusement à celle qui le gronde toujours autant. Celle-ci s’apprête à partir. Nate ne compte pas la laisser s’enfuir après une telle déclaration, c’est tout bonnement impossible - il va la forcer à assumer sa gentillesse.
— Attends… T’as pas à t’excuser tu sais ! lui lance-t-il dans un sourire. Je l’ai coupé en deux pour t’en donner la moitié, je suis désolé pour tout à l’heure. Quand j’ai faim, je deviens diabolique et je ne me contrôle plus… Je voulais juste attendre de finir mon plat avant de venir te voir, pour éviter de te vexer.
À ces mots, le ton du jeune blond s’adoucit davantage sous le poids de la culpabilité. Il baisse les yeux quelques secondes avant de les relever; il se lève d’un bond, saisit une moitié d’éclair au chocolat au passage et se place devant la jeune femme, un nouveau sourire aux lèvres, ne lui laissant pas le temps de rétorquer quoi que ce soit.
— Tiens, c’est pour toi ! Je suis désolé. Mange-le, ça me fait plaisir, on partage comme ça !
Il garde l’éclair en mains quelques secondes, attendant une quelconque réaction de la part de l’inconnue. Les yeux dans les yeux, Nate n’est pas en mesure de supporter une telle pression pendant plus de quelques secondes. Ses joues changent de couleur, une légère teinte rosée les gagne; il s’en rend compte, d’après la chaleur qu’il ressent dans cette zone, et rougit d’autant plus. Il baisse les yeux et pourtant son sourire ne fait que grandir. Le pardon est plus important que la honte à ce moment précis - il ne faut pas craquer sous prétexte qu’il est embarrassé. Un rayon de soleil aux joues rouges, voilà ce à quoi ressemble le jeune blond à cet instant. Un ange embarrassé, prêt à tout pour obtenir le pardon de la fille qu’il a blessé involontairement.
Mais les dires de l’inconnue le perturbent toujours. Elle n’a pas à s’excuser alors que c’est lui qui est en tort, et il aimerait insister sur ce point. Ce n’est pas juste qu’elle culpabilise alors que la faute lui revient entièrement. Devenant légèrement plus rouge, il ose risquer une nouvelle réplique.
— Et surtout ne t’en veux pas, c’est moi, j’suis un peu taré sur les bords… T’as pas à t’excuser !
Cela fait déjà deux fois qu’il le répète, mais c’est parce qu’il le pense sincèrement. L’idée qu’elle culpabilise à sa place le révolte, car ce n’est pas légitime. Il assume complètement ses problèmes de nourriture, il ne doit pas laisser les autres s’en vouloir pour ses actions déplacées et insolites.
Nate refuse gentiment, d’un hochement de tête, la cigarette électronique de Lee, perturbé. La concentration le force à froncer les sourcils, et l’inquiétude le rend paranoïaque. Les indices défilaient avec les messages sur le téléphone du E. Nate ne connaît pas ses amis, il ne les a vu que de loin, et rarement. Lee semble sûr que le blond pourrait s’entendre avec un(e) ami(e) à lui, Nate ne répond rien, trop occupé à capter les réponses de sa bande. Voler les clés dans le bureau ? Pour ça, aucun souci, Nate est un professionnel. Il a appris, il y a bien longtemps, alors qu’il faisait encore des bêtises avec sa sœur en jouant aux détectives dans le manoir et qu’ils se faufilaient dans toutes les salles qui leur étaient interdites, à crocheter n’importe quelle serrure ou cadenas. C’est sûrement la meilleure solution.
— Je pense qu’aller voler nous-mêmes les clés est la meilleure solution, oui… Je peux crocheter la porte et voler les clés sans me faire prendre. De toute façon, personne ne se rappelle de leurs visages, personne d’autre ne peut nous aider. Ce sont forcément eux, mais il nous faut des preuves, et surtout le responsable. Mais, y’a quelque chose que j’comprends pas… J’étais pas là, moi, à quatre heures du matin. ‘Fin, sinon j’vous aurais vu, non ? Je me rappelle pas à quelle heure j’étais dehors, j’avais trop la dalle… Et j’ai vu personne, comme je t’ai dit, donc comment il m’aurait affecté, moi aussi ?
Nate réfléchit un bref instant, les yeux rivés sur ses mains, qu’il s’amuse à tripoter et agiter dans tous les sens.
— Tu crois que c’est contagieux, son pouvoir ?
Nate relève la tête et fixe Lee droit dans les yeux. Si c’est le cas, le pouvoir pourrait affecter n’importe qui. Il aurait même pu affecter Nate au moment où Lee est apparu à sa porte de chambre. Ce qui expliquerait beaucoup de choses… De toute façon, découvrir le fonctionnement du pouvoir ne leur permettra pas d’en annuler l’effet. Il faut aller demander directement au responsable, ou bien le dénoncer à l’administration - sans révéler le fait qu’ils ont volé les clés des caméras de surveillance dans le bureau de l’agent de sécurité.
Nate s’émoustille à l’idée d’une nouvelle aventure, illégale qui plus est. Ce n’est pas un cancre, mais les missions d’infiltration sont ses préférées - il excelle là-dedans. Un vrai furet, une taupe, un détective en herbe en attente de nouvelles enquêtes. C’est toujours plus drôle quand il n’est pas affecté par le sujet de l’enquête, comme maintenant, mais s’il n’y a que ça… C’est bien l’une des seules choses qui lui donne envie de sortir de sa chambre, ça et les amis. Fouiller, fouiner, mettre son nez où il ne faut pas et récupérer des choses qu’il ne doit pas toucher; quel plaisir. Si seulement il pouvait faire ça plus souvent.
C’est la première fois que Lee ne pète pas un plomb suite à une révélation pareille. Nate n’aurait jamais cru que celui-ci laisserait passer une telle chose. Il grimace à l’écoute de ce qu’a fait son interlocuteur alors qu’il pensait que quelqu’un d’autre lui volait ses affaires. « C’est ma faute… » pense-t-il, l’air dépité. S’il y a bien une chose qu’il déteste, c’est nuire à autrui d’une quelconque manière. Savoir que le grand brun avait frappé quelqu’un à sa place, ça lui brise le cœur. La culpabilité lui monte aux joues et il baisse les yeux lentement. Un nuage de fumée blanche lui arrive au niveau du museau et, surpris, Nate retire le bandeau de sa bouche et renifle l’odeur étrange qui en émane, par curiosité.
— Ça sent trop bon ! Recommence !
Nate lève les yeux vers son ami avant de remarquer que celui-ci le fixe avec un regard d’assassin. Il rentre ses lèvres vers l’intérieur, faisant mine de n’avoir rien dit et de rester muet.
— Ah dégueu, beurk ouvre la fenêtre olala...
Ce nuage de fumée était certainement destiné à l’emmerder, et Nate ne veut pas le vexer en lui faisant comprendre qu’au contraire, ça l’a plutôt bien amusé. Il ajoute une grimace forcée, l’air de dire « ah, qu’est-ce que ça m’embête… », tout en profitant pour sentir discrètement l’odeur des restes de la fumée.
Nate décide de tourner la tête vers le mur de Lee, puis admire la collection de photos que celui-ci a décidé d’accrocher fièrement. Des photos de lui bourré, défoncé, trempé, des photos de ses amis et de tables remplies de bouteilles vides. La décadence représentée sous tous ses angles, on comprend très vite les seuls centres d’intérêts de la vipère.
Pendant ce temps, Lee réfléchit à haute voix. Visiblement, ses souvenirs sont trop vagues et effacés pour contenir une réelle information qui servirait aux deux protagonistes. Le mystère de l’étudiant malfaisant plane encore sur Swish, et Nate est bien déterminé à trouver sa trace.
— En temps normal je t’aurais dit non parce que te voir avec tes amis me rend jaloux, Nate, surpris par cette fausse vérité toute droite sortie de sa bouche, enchaîne néanmoins, comme si de rien n’était. Mais étant donné que tu ne te rappelles de rien ou presque, je pense qu’on pourrait demander à tes potes s’ils se souviennent un peu mieux que toi ce que vous avez fait hier soir, ou s’ils ont vu quelqu’un à la fontaine. Sinon, on n’avancera jamais… peut-être que c’est un des mecs avec qui tu traînes ? Y’a pas un nouveau, dans ta bande, ou quelqu’un de random invité hier soir ?
Nate réfléchit longuement à la suite de sa tirade. Ils ne peuvent pas prendre le risque qu’aucun des amis de Lee ne se rappellent de quoi que ce soit… Ce sont vraiment des boulets. Une idée vient à l’esprit du jeune blond, toutefois celle-ci semble presque impossible à réaliser. Il se décide tout de même à partager son éclair de génie avec le brun.
— L’un de tes potes a accès aux caméras de surveillance ?
Nate profite de sa dernière nuit paisible dans son lit chaud, chambre numéro deux. L’administration lui a demandé de déménager suite à des plaintes concernant ses altercations fréquentes avec l’un de ses voisins, Lee. L’idée de quitter son cocon lui pince le cœur et il ne cesse de réfléchir à la réaction de Nitesh lorsqu’il partira, demain. Est-ce qu’il va pleurer, sourire, lui serrer la main ? Peut-être qu’il va tout simplement lui dire « à bientôt ». De toute façon, Nate viendra squatter la chambre numéro deux rien que pour passer un peu de temps avec Nitesh et son chaton. Chat… Et là, Nate comprend que, demain, il va également devoir réussir à mettre Minou dans sa caisse pour pouvoir le déplacer jusqu’à la chambre numéro huit. Il ne connaît pas ses prochains colocataires, la nervosité lui monte à la tête et l’insomnie tape à sa porte.
Les réflexions tournent autour de ses neurones, s’entremêlent et s’enchaînent jusqu’à donner le tournis à notre jeune blond épuisé. Il se décide à placer les écouteurs reliés à son téléphone sur ses oreilles et lance une musique relaxante - c’est sa nouvelle technique d’endormissement contrôlé. À force de subir des manques de sommeil à répétition, il a bien fallu qu’il trouve quelque chose pour y remédier. Quelques minutes plus tard, alors que l’esprit de Nate se trouve bercé par des ondes neutres et des sons monotones, ses paupières se ferment et le voilà endormi.
Samedi 6 mars — 01h20
Ce rêve, quel rêve, une belle balade au clair de lune, profitant d’un moment de paix dans la solitude la plus totale; le calme des jardins de l’académie lui donne des frissons de bien-être et il se laisse border par la légère brise nocturne. Les yeux clos, il avance pas à pas, se concentrant uniquement sur l’odeur des pins entourant le sentier et le son du vent dans les branches d’arbres renaissants offerts par le début du printemps. Une fontaine se profile au beau milieu d’une place sur laquelle ne se trouve qu’un banc de bois et quelques carrés fleuris parsemés de lys et de pensées.
Nate dort profondément dans son lit douillet. Du moins, à sa connaissance. Dans le songe dont il est désormais prisonnier, une sensation de liquide s’écoulant sur son visage s’amorce. Plus qu’un écoulement, cela se rapproche même d’un sentiment d’être plongé dans une étendue d’eau douce. Ses poumons semblent étrangement compressés; perturbé, il fronce les sourcils en plein sommeil.
En réalité, Nate s’est téléporté sans le vouloir, suite aux émotions de son rêve, dans la fontaine de la grande place située aux jardins de l’académie. Il est donc actuellement allongé dans l’eau de cette fameuse fontaine, sur le ventre, et sa tête est entièrement immergée par l’eau ruisselante. Toujours endormi, des bulles semblent sortir de sa bouche pour rejoindre la surface, ce qui laisse échapper un bruit épatant. Nate, le nouveau poisson rouge de la Place de la Fontaine. Si toutefois il était payé, il pourrait faire ça à volonté. Mais là, l’air commence à lui manquer et, pourtant, le jeune homme ne semble pas vouloir se réveiller. Le sommeil est-il parfois si profond que l’on serait capable de se noyer sans même s’en rendre compte ? Il ne connaît pas la réponse à cette question, mais cela semble se produire.
— Blblblbl, fait le bruit des bulles qui s’échappent de son visage.
Visiblement, Nate est situé au plus proche du chevalet. Un nom de code, des changements de mots et une ébauche de plan… okay ! Il se désigne donc pour passer le premier, convaincu qu’il va complètement se foirer et faire rire la galerie dès la première seconde. Lui et l’élaboration de plans machiavéliques, ça ne match qu’en cas de récompense comestible à la clé. Pourtant, il se lève volontairement et, d’un air confiant, il se place au-devant du chevalet avant de saisir le marqueur noir. Il note :
« Nate : Fouinar »
Quoi de mieux qu’un nom de pokémon pour bien commencer la réunion ? Après réflexion, c’est peut-être le plus crédible. Des noms de pokémons pour brouiller les pistes, un sujet digne de geeks que personne ne pourrait soupçonner. Il compte proposer cela comme standard pour les noms de code, mais n’est pas certain que tout le monde accepte sa fantaisie. Peu importe, tant que lui porte un nom qui lui colle à la peau. Après tout, c’est le plus furtif, il peut se faufiler n’importe où sans être remarqué – grâce à sa petite taille mais également à son « aura » innocente. Personne ne soupçonne quelqu’un qui ressemble à un adolescent lambda, il paraît trop sage pour cela.
— Je propose qu’on prenne tous des noms de code autour du thème de Pokémon, histoire d’homogénéiser le truc. Un nom de pokémon qui nous correspond, évidemment, pour mieux se repérer… Enfin, si vous êtes d'accord. Pour le plan, j’suis désolé mais j’ai vraiment aucune idée. Je peux juste vous dire que, si besoin, je serai en mesure de voler n’importe quoi à n’importe qui. Je suis clepto, c’est super simple pour moi, j’y suis habitué. Je pourrais voler les portables et les passer à quelqu’un qui peut les déverrouiller, ici ? Histoire de chopper la vidéo quelque part, même si c’est long… Aussi, je pourrais facilement m’incruster dans des conversations au besoin.
Ça y est, il a trop parlé. Il ajoute un « voilà… » avant de dessiner une flèche à la suite de son nom de code et d’y ajouter « voleur » en guise de rôle, attendant que l’on réponde à cette idée farfelue. Il se rassoit sagement, son éternel sourire aux lèvres.
Bien évidemment, ce n’est pas le cas. Il ne l’a pas semé. Et elle lui colle aux basques, en plus de ça. Cette fois-ci, Nate est tombé sur aussi obstiné que lui. Et elle n’est pas prête de le lâcher ! Son précieux se voit être dérobé devant ses yeux. Il retient sa respiration, la mort n’est qu’à quelques secondes de le toucher; comment vivre sans son Graal ?
— Non mais t’es taré ? On ne t’a jamais dit de pas frapper les filles ?
— Je-... il rougit momentanément avant de reprendre. C’est vrai que t’es une fille... Désolé, mais t’as l’air aussi costaud que moi alors je vois pas le problème !
Un regard sur son trophée tout juste subtilisé par le furet en face de lui. Et elle l’agite pour enfoncer le couteau dans la plaie, consciente que Nate ne va pas tarder à exploser de rage. C’est comme si elle cherchait à le mettre hors de lui. Elle pourrait le manger, là, tout de suite; mais elle n’en fait rien. Si elle se met à courir, Nate a des risques de ne pas pouvoir récupérer son éclair au chocolat. Et il compte bien le reprendre, sa fierté et son honneur sont actuellement en jeu. Hors de question qu’elle s’en tire de cette façon. Un cadeau pour se faire pardonner ? C’est quoi cette folle, c’est mon éclair, pense-t-il.
— Bon ok, je suis désolé. J’suis juste pas dans mon assiette. C’est juste que je n’ai rien mangé depuis des jours, j’étais déprimé… Ma sœur est tombée malade, toute ma famille s’inquiète pour elle et je ne peux même pas l’aider, d’où je suis. Mais je viens tout juste d’apprendre qu’elle va mieux, alors j’ai pu retrouver l’appétit. C’est mon premier repas depuis trois jours... dit-il d’une voix douce, calme et reposée.
L’air dépité sur le visage du jeune blond pourrait amadouer n’importe qui, son visage angélique est irrésistible et ce, même aux yeux du plus vil des personnages. Ceux qui ne le connaissent que de vue eux-mêmes ne l’imaginent qu’avec un sourire aux lèvres; il est impossible de résister à l’envie de l’aider. Et là, il a vraiment l’air en pleine détresse. Il n’y a aucune once d’animosité sur son visage, rien que du chagrin et de la douceur. Il attend, patiemment, fixant son interlocutrice d’un air affamé et désemparé. Sans son éclair, il est perdu... Pour couronner le tout, son ventre se met à grogner; elle est maintenant capable de l’entendre. Il baisse les yeux.
— Pas grave, garde-le… Je n’aurais pas dû t’écraser le pied… Bon appétit...
Après ces mots, il se retourne lentement, tournant désormais le dos à son adversaire. Il expire longuement, mais son soupir est étouffé par les gargouillis de son ventre.
Vous avez terminé votre mission et vous voulez réclamer votre récompense ? C’est bien là ! Ici, on vous doit de la thune. Ici, on vous rend heureux. La récompense de la mission n’est pas divisée entre les partenaires, mais bel et bien donnée à chacun. Si votre mission a été soumise par quelqu’un de généreux, le staff vous ajoutera les swishes offerts par votre bienfaiteur et les lui retirera.
Pour signaler une mission terminée et récupérer vos swishes, c’est par là :
Les missions sont des sortes de quêtes que vos personnages auront l’occasion de réaliser seul ou à plusieurs, avec à la clé une récompense en cas de réussite. La récompense varie selon les envies de celui ayant proposé la mission, il existe des missions de bénévolat par exemple, mais des swishes sont toujours garantis à la sortie. Il est possible de soumettre sa propre mission sur ce sujet afin de faire travailler quelqu’un à notre place eheh.
Il y a trois types de missions :
MISSION SIMPLES Ce sont souvent des demandes d'étudiants qui ne présentent pas beaucoup de risques. Par exemple, quelqu’un qui nous charge de livrer un colis pour lui.
MISSIONS INTERMÉDIAIRES Soumises la plupart du temps par des membres du personnel ou des étudiants, ces missions comportent des risques plus élevés comme un éventuel combat ou une quelconque forme d’infiltration.
MISSIONS EXPERT Elles représentent des demandes avec le plus haut niveau de risque, comme celui d’être grièvement blessé ou d’effectuer un acte illégal.
Plus le niveau de difficulté est élevé, plus la récompense de swishes augmente. Vous pouvez récupérer vos swishes dans le sujet dédié aux missions terminées juste ici.
Lorsque vous choisissez de prendre l’une de ces missions, vous devez lancer un sujet de RP à part, en précisant le nom de la mission dans votre titre. Vous devez impérativement débuter le RP au maximum dans les deux jours qui suivent l’engagement.
Un délai de finalisation est imposé pour chaque type de mission réalisée, pour donner de la cohérence à la récompense tant attendue. Il faut suer pour être récompensé, alors on pédale les gars ! Vous disposez d’un mois pour terminer un RP de mission simple, deux mois pour une mission intermédiaire et trois mois pour une mission expert.
Vous trouverez ci-dessous les formulaires à compléter et à poster à la suite de ce sujet si vous souhaitez soumettre une mission ou prendre une mission déjà existante dans le listing ci-dessous. Au boulot !
DIFFICULTÉ — Simple, intermédiaire, expert OBJECTIF — Récupérer le slip sale que j’ai balancé chez le voisin sans faire exprès EFFECTIF CONSEILLÉ — 1, 2, 3, 10, 50 personnes PETIT MOT — Courage ! Mourez pas svp
Code:
<div>[size=14][b]<a href="LIEN DU PROFIL">[color=#COULEUR_DU_GROUPE]PRÉNOM P. NOM[/color]</a>[/b] — Nom de la mission[/size]
<div>[size=14][b]<a href="LIEN DU PROFIL">[color=#COULEUR DE GROUPE]PRÉNOM P. NOM[/color]</a>[/b] — Nom de la mission[/size]
[b]DIFFICULTÉ[/b] — Simple, intermédiaire, expert [b]PARTENAIRES[/b] — Aucun ou [b]<a href="LIEN DU PROFIL">[color=#COULEUR DE GROUPE]PRÉNOM P. NOM[/color]</a>[/b] & [b]<a href="LIEN DU PROFIL">[color=#COULEUR DE GROUPE]PRÉNOM P. NOM[/color]</a>[/b] & etc</div>
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